Printed 04.10.2023 14:20 15-02-2008 Alexis Rosenzweig
Retour aujourd’hui à Lety dans la région de Bohême du sud, à une
heure de Prague, en direction de la ville de Pisek. Pendant la Seconde
Guerre mondiale, c’est dans le camp de Lety qu’ont été internés les
Roms du Protectorat de Bohême-Moravie, essentiellement ceux de Bohême
puisque ceux de Moravie étaient internés dans autre camp, celui
d’Hodonin. Aujourd’hui en République tchèque, les lieux qui ont été
le plus touchés par les drames de la période 39-45 sont des lieux dont la
mémoire tente d’être préservée du mieux possible et souvent avec
succès, comme à Terezin ou à Lidice. Mais pas à Lety. Depuis les
années 1970, une porcherie industrielle y tourne à plein régime. 13 000
porcs.
« Ici sont enterrés seulement les enfants. Nous avons fait refaire le mur et arrangé cet espace, tout était dans un état lamentable. La première fois qu’on m’a emmené ici je suis tombé sur des os en grattant un peu avec mon pied. J’ai cru que j’allais devenir fou. Les enfants ont été enterrés comme ça le long du mur. »
« L'échec n'est pas dû à une question d'argent. Tout gouvernement qui fait quelque chose pour déménager cette porcherie ou pour pour faire un lieu de mémoire digne de ce nom risquerait de perdre des électeurs parce que la population est antitzigane et le gouvernement ne fait rien dans les écoles, dans les médias etc. pour diminuer ce sentiment antittzigane ancré dans la population. »
Quelques mois après l’adhésion de la République tchèque à l’UE, c’est le Parlement européen qui est monté au créneau pour demander à Prague de faire en sorte que cette porcherie soit détruite ou déménagée. Cela fait deux ans maintenant et ce qui pourrait être comique - si ce n’était pas à ce point affligeant – est que le drapeau européen flotte désormais sur une des grilles de la porcherie : l’année dernière, des fonctionnaires bruxellois ont accepté de cofinancer la nouvelle fosse à purin !
« Nous pensons que cette question concerne toute la société tchèque, de savoir si cette chose est grave à ce point que la porcherie doive être éliminée. Si la société reconnaît que ce problème nécessite cette solution radicale, nous l’accepterons, mais à la seule condition que nous soit remboursé le préjudice subi, parce que ce n’est pas nous qui avons construit cette porcherie à cet endroit, donc ce n’est pas à nous de payer. »
« J’ai peur de vous dire une date à laquelle la procherie finira par être éliminée... Quand je suis entrée en fonction il y a moins d’un an, j’ai promis dans la presse d’en finir au plus vite avec ce problème, mais après, j’ai pris connaissance du dossier concernant les négociations avec le propriétaire de la porcherie – une dizaine de gros classeurs... Je ne veux pas donner de faux espoir. Le précédent Premier ministre avait donné de l’espoir, avant une énorme déception. Ce que je peux vous dire est que le groupe de travail se réunit et que d’ici environ six mois proposera plusieurs solutions au gouvernement, mais la solution dépendra également du propriétaire. Il y a une volonté politique mais la volonté doit être des deux côtés. »
« Cela me paraît vraiment incroyable qu’ici on parle économie et finance. Il y a même eu un projet de créer un fond dans lequel on réunirait des dons venus de l’étranger. C’est une honte. C’est une question tchèque, parce que ce camp était gardé par des Tchèques, cela doit faire partie de la conscience tchèque. La nation devrait régler seule le problème. Mais je suis sceptique et je pense que ça va encore durer très longtemps. » La porcherie de Lety a encore quelques beaux jours devant elle. Et qu’en est-il de l’autre camp tzigane installé en Moravie sous le Protectorat? Là-bas il reste un des baraquements d’origine du camp mais il sert d’entrepôt et le lieu est aujourd’hui un centre familial de vacances... Copyright © Radio Praha, 1996 - 2003 |