Shoah : le gouvernement relance le projet de mémorial à l’ancienne gare
de déportation
Le 27 janvier marque la journée de la mémoire des génocides et de la
prévention des crimes contre l'humanité. A Prague, la déportation
de la très grande majorité des Juifs s’est faite à partir de la gare
de Bubny. Aujourd’hui désaffectée, cette gare pourrait devenir un
mémorial. C’est en tout cas le projet pas encore abouti d’une
association que le ministère tchèque de la Culture vient de reprendre à
son compte.
L’association qui œuvre depuis plusieurs années pour transformer la
gare de Bubny s’appelle Památník Šoa Praha (Mémorial de la Shoah
Prague) et est présidée par Pavel Štingl.
Vendredi, le ministre de la Culture Lubomír Zaorálek (CSSD) a annoncé
que, suite aux discussions avec la mairie de Prague et le chef du
gouvernement, le projet de mémorial allait être chapeauté par son
ministère. Surtout, il a précisé qu’il espérait bien s’entendre
avec le Premier ministre sur le financement de ce projet.
Andrej Babis (ANO) a donné raison au ministre de la Culture. Règlement de
comptes oblige, il en a profité pour reprocher à l’ancienne maire de la
capitale – issue des rangs de son mouvement mais avec qui il en froid –
de ne pas avoir mené à bien ce projet plus tôt.
Plusieurs dizaines de millions de couronnes doivent être investies pour
rénover entièrement le bâtiment de la gare et en faire le « mémorial
du silence » envisagé par l’association.
Voici comment Pavel Štingl présentait le projet il y a cinq ans déjà :
« Le projet envisage de changer la Gare de Bubny en mémorial de la Shoah.
Mais notre intention est d’y discuter également de thèmes contemporains
et de faire des parallèles. Le plan envisagé divise ce centre en sept
parties. La première partie part sur les traces des transports vers les
camps. Puis, il y a trois parties permanentes dont la première propose une
réponse artistique à la question de savoir pourquoi ces événements se
sont produits, la deuxième est dédiée au souvenir des personnes
déportées via la gare et la troisième forme un rappel de la culture
durant l’entre-deux-guerres. Et finalement, il y a aussi trois parties
destinées aux expositions temporaires. »
Situé en contrebas du quartier de Holešovice, le bâtiment de la gare de
Bubny n’est plus en bon état, mais il abrite encore quelques bureaux,
dont ceux d’une unité de la police nationale.
Devant, une œuvre d’art poignante y a été inaugurée il y a cinq ans.
« La porte vers l’éternité » (Brána nenávratna en tchèque et The
Gate of Infinty en anglais), réalisée par le sculpteur tchèque Aleš
Veselý, est une voie ferrée de vingt mètre qui pointe vers le ciel.
Plusieurs membres de la famille du sculpteur ont fait partie des dizaines
de milliers de Juifs déportés à partir de cette gare, d’abord vers
Theresienstadt (Terezin) puis souvent ensuite vers les camps de la mort.
Sur Radio Prague Int, Aleš Veselý avait évoqué ce monument, qu’il a
dévoilé quelques mois seulement avant de mourir :
« Pour moi, la forme de la sculpture, les rails qui partent vers le ciel
comme une sorte d’échelle de Jacob, était claire depuis le premier
instant. Cela fait près de quarante à cinquante ans que je pense à
réaliser ce projet. Je le sentais comme une obligation à l’égard de
mes proches qui y sont passés et ne sont jamais revenus. »
Dita Krausová a également été déportée de la gare de Bubny. Avant de
survivre à l’enfer d’Auschwitz et de Bergen-Belsen, elle est restée
à Terezin où elle faisait partie du chœur d’enfants qui chantait
l’opéra Brundibar.
Interviewée ce week-end sur la télévision publique, Dita Krausová a
récemment publié un livre intitulé « La bibliothécaire d’Auschwitz
», dans lequel elle raconte son calvaire concentrationnaire. En ce 75è
anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, un autre survivant,
Jiří Fišer, publie un livre (Mengeleho dvojče A-782) sur les
expériences subies avec son frère jumeau dans le camp où suppliciait J.
Mengele.
Une cérémonie du souvenir était notamment organisée lundi matin à
Prague au Sénat, en présence de survivants de la Shoah ainsi que de la
directrice du musée de la Culture rom de Brno. Jana Horváthová assistera
dans la soirée à la projection du film LETY - sur le camp de
concentration du même nom en Bohême - suivie d’un débat en présence,
entre autres, de Čeněk Růžička, le président du Comité pour
l’indemnisation des victimes roms de l’Holocauste.
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