Les victimes de stérilisation forcée enfin indemnisées ?
C’est un projet de loi débattu depuis 2009, lorsque le gouvernement de
l’époque, dirigé par Jan Fischer, a officiellement présenté ses
excuses aux personnes stérilisées sans leur consentement explicite : les
victimes de stérilisation forcée, hommes et femmes confondus, pourraient
enfin être dédommagées par l’Etat tchèque.
« Je me souviens avoir été très stressée, j’avais des douleurs. On
m’a donné un papier à signer. Ensuite, les médecins m’ont fait une
césarienne et m’ont stérilisée en même temps. »
Dans un reportage récemment diffusé par la Télévision tchèque, Radka
Hančilová s’est souvenue, de son second accouchement au début des
années 1990. Elle avait alors 20 ans, à une époque où les
stérilisations forcées étaient encore couramment pratiquées dans les
hôpitaux tchèques.
Militante d’origine rom, Elena Gorolová a, elle, plaidé la cause des
femmes tchèques stérilisées devant l’assemblée de l’ONU en 2006.
Elle aussi a vécu la même expérience il y a une trentaine d’années de
cela :
« Je ne savais pas qu’on pouvait donner naissance à un enfant par
césarienne, puis être stérilisée. Une sage-femme est venue me voir. Ma
mère lui a demandé comment il était possible qu’ils m’aient fait
cela. Elle nous a expliqué que je ne pourrais plus avoir d’enfants, que
c’était irréversible. Elle m’en a dit un peu plus que le médecin qui
ne m’avait quasiment rien expliqué. (…) Ensuite, je suis allée me
plaindre avec mon mari auprès de l’administration. La femme qui nous a
reçus a refusé de m’écouter et m’a fichue dehors. »
D’après les défenseurs des droits de l’Homme, plusieurs centaines de
personnes ont subi, à compter des années 1960, une stérilisation forcée
dans la Tchécoslovaquie communiste. La pratique est restée courante y
compris dans la première décennie postrévolutionnaire, au moins
jusqu’en 2001. Radek Policar, du ministère de la Santé, en explique
l’origine :
« Cette pratique a d’abord eu une raison ethnique : les autorités
pouvaient ainsi limiter les naissances au sein de la population rom.
Ensuite, certaines interventions ont été effectuées pour des raisons
médicales. Lorsque les médecins supposaient que des grossesses
postérieures pourraient être dangereuses pour une femme, ils la
stérilisaient. »
Telle est aussi l’expérience de Radka Hančilová :
« On m’a proposé une stérilisation à plusieurs reprises, mais j’ai
toujours refusé. Ils l’ont effectuée quand même, ce que je n’ai
appris qu’à mon réveil après l’anesthésie. Les médecins m’ont
dit que c’était à cause de la cicatrice de la césarienne. »
Même si, des années plus tard, la maternité en question a reconnu que
cette stérilisation était illégale, Radka Hančilová, pas plus que les
autres femmes, majoritairement d’origine rom et souffrant pour certaines
de maladies mentales, n’a jamais été indemnisée.
Un premier projet de dédommagement a échoué en 2015, trois ans après
l’entrée en vigueur d’une loi qui interdit depuis la stérilisation
sans consentement du patient. Le gouvernement de l’époque avait alors
estimé que les personnes stérilisées contre leur gré avaient la
possibilité de porter l’affaire en justice, un recours estimé
suffisant.
Un nouveau projet d’indemnisation extrajudiciaire a bénéficié du
soutien de la Chambre des députés et du ministère de la Santé. Le texte
prévoit que les femmes et les hommes concernés prouvent devant une
commission qu’ils ont bien été victimes d’une stérilisation
illégale, pour pouvoir toucher une indemnisation dont le montant reste
encore à définir.
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