La militante rom Elena Gorolová, reconnue pour son combat contre les
stérilisations forcées
Comme chaque année depuis cinq ans, la BBC a publié un palmarès des cent
femmes de l’année dans le monde. Cette année, une travailleuse sociale
tchèque, d’origine rom, Elena Gorolová, fait partie de ce classement
des personnalités féminines les plus influentes. La BBC souligne
notamment la lutte d’Elena Gorolová contre les stérilisations forcées
des femmes rom en Tchéquie.
Il semble presque invraisemblable que, jusqu’au début des années 2000
encore, des femmes rom aient subi des stérilisations forcées en
République tchèque. Cette pratique a été établie dans les hôpitaux du
pays à partir de 1979 alors que le régime communiste était encore en
place.
Mais cette intervention chirurgicale non consentie a continué d’être
pratiquée bien après le retour de la démocratie dans le pays, au moins
jusqu’en 2001. Aucune statistique précise n’est connue, mais on estime
que plusieurs milliers de femmes, d’origine rom, ou bien souffrant
d’une maladie mentale, ont ainsi subi une stérilisation forcée.
Cela a été le cas en 1990 pour Elena Gorolová à l’âge de 21 ans :
« A l’époque, je ne savais pas du tout qu’on pouvait donner naissance
à un enfant par césarienne et qu’après, il arrivait qu’on soit
stérilisée. Une sage-femme est venue me voir. Ma mère lui a demandé
comment il était possible qu’ils m’aient fait cela. Elle nous a
expliqué que je ne pourrais plus avoir d’enfants, que c’était
irréversible. Elle m’en a dit un tout petit peu plus que le médecin qui
ne m’avait quasiment rien dit. »
Déjà à l’époque, Elena Gorolová ne se satisfait pas de ces maigres
explications, et encore moins du fait de ne pas avoir été consultée sur
la question :
« Ensuite, je suis allée avec mon mari porter plainte à
l’administration. La femme nous a mis dehors. Elle ne voulait pas parler
avec moi, elle refusait d’entendre ce que j’avais à lui dire et elle
m’a fichue dehors. »
Pendant les premières années, la famille est durement touchée par cette
épreuve. Le couple a certes deux enfants, mais des tensions surgissent
comme le raconte Elena Gorolová :
« Il y a eu des moments où j’ai eu des problèmes avec mon mari.
Parfois, il lui arrivait de mettre en doute ma parole, il disait que
j’avais dû vouloir cette stérilisation. Il me faisait des reproches.
Plus tard, j’ai rencontré des femmes qui avaient été abandonnées par
leur mari. Ils avaient honte, ils voulaient d’autres enfants. Mon mari,
lui, a fini par comprendre et il m’a beaucoup aidée. »
Finalement, cette colère, Elena Gorolová va la transformer et
l’utiliser pour faire reconnaître son traumatisme et celui de milliers
d’autres femmes. En 2005, elle rejoint l’ONG Vzájemné soužití
(Vivre ensemble), une association d’Ostrava qui militait afin que
l’Etat présente des excuses pour ces stérilisations forcées et verse
aux victimes des compensations financières. Elle en devient la
porte-parole et commence à voyager dans le monde, à l’ONU ou au Conseil
de l’Europe à Strasbourg, pour témoigner publiquement.
En 2009, enfin, le gouvernement de Jan Fišer offre des excuses officielles
aux victimes. Mais si de nombreux cas de stérilisations forcées se sont
retrouvés devant les tribunaux, la route est encore longue vers une
reconnaissance totale de leur calvaire. Elena Gorolová ne perd pas espoir
:
« Notre combat désormais, c’est d’obtenir une indemnisation. Pour
l’instant, nous n’avons rien eu. Mais il faut dire qu’en dix ans, nos
femmes ont accompli un travail immense. Quand je me souviens des débuts,
à l’époque, les femmes ne voulaient pas être prises en photo, ni
témoigner. Puis, elles ont commencé à parler et elles sont même allées
manifester devant l’hôpital d’Ostrava. Si ces femmes ne s’étaient
pas prises en main, si elles n’avaient pas travaillé si dur et commencé
à témoigner, rien de tout cela n’aurait été connu du grand public. »
Agée aujourd’hui de 49 ans, Elena Gorolová continue de travailler sur
des thématiques sociales liées à la communauté rom qui souffre
fréquemment de discriminations dans le pays. Elle s’efforce de faire
revenir les enfants placés en institution dans leurs familles d’origine
et lutte contre la ségrégation des femmes rom dans les maternités
tchèques.
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