A côté de la Pologne, les Tchèques manifestent leur nationalisme à leur
manière
Les affaires et faits divers témoignant d’une montée de la xénophobie
se multiplient en République tchèque aussi, quelques jours seulement
après les recommandations en la matière pourtant faites par les Nations
unies. Les réactions sont toutefois tout aussi nombreuses.
Ils sont afghans, barmans, ukrainiens, éthiopiens, géorgiens, syriens ou
encore cambodgiens. Dans de courtes vidéos mises en ligne sur le site de
Člověk v tísni – L’Homme en détresse, la plus grande ONG tchèque
d’aide humanitaire et au développement œuvrant dans le monde, ces
hommes et femmes adressent, chacun dans leur langue respective, un message
de remerciements. Ce message est destiné à tous les Tchèques qui, par
leurs dons, ont contribué au financement des projets menés réalisés par
Člověk v tísni dans différents pays et régions de la planète. C’est
également dans toutes ces langues que le message unique « Češi,
děkujeme » - « Nous remercions les Tchèques », a été affiché
récemment sur de grands panneaux publicitaires dans les rues des villes
tchèques ou dans le métro pragois.
Seulement voilà, ces messages en arabe ou en persan, apparus du jour au
lendemain sans aucune précision ou autre inscription sur les affiches,
n’ont pas été bien compris de tous. Ce n’est que quelques jours
après son lancement que l’ONG, par ailleurs très appréciée des
Tchèques, a fait savoir que c’était elle qui était à l’origine de
cette campagne. Mais le mal était déjà fait, certaines réactions
s’offusquant de voir apparaître des inscriptions dans des langues
inconnues, et notamment en arabe, dans l’espace public – leur « espace
tchéco-tchèque ». Directeur de la section en charge des projets de
développement à Člověk v tísni, Jan Mrkvička explique pourquoi
l’organisation a choisi de mener sa campagne de communication sous cette
forme certes originale mais mal perçue par une partie du public :
« Nous avons voulu donner la parole aux gens que nous aidons pour
qu’eux aussi puissent en quelque sorte s’exprimer dans l’espace
public en République tchèque, un pays qui se referme de plus en plus sur
lui-même ces derniers temps. Nous sommes les témoins d’interprétations
toujours plus simplistes de qui est qui… Notre volonté est donc de
montrer que des gens en chair et en os se cachent derrière nos projets et
d’expliquer que notre mission ne consiste pas à distribuer une aide
matérielle aux quatre coins du monde. Nous avons ressenti le besoin de
dire aux gens, à savoir donc les Tchèques, que nous menons des projets
concrets qui apportent des solutions sur le long terme aux problèmes que
d’autres gens dans le monde peuvent avoir. »
Sans être majoritaires non plus, les réactions qu’a suscitées cette
campagne témoignent de l’atmosphère qui règne actuellement en
République tchèque, quelques semaines après la tenue des élections
législatives qui, pour la première fois dans l’histoire du pays, ont vu
un parti d’extrême-droite, le SPD, recueillir plus de 10% des suffrages
en axant son programme sur le rejet des Roms et des migrants.
Pour rappel, la semaine dernière, le Conseil des droits de l’homme des
Nations unies a recommandé aux autorités tchèques d’œuvrer à une
meilleure intégration de la minorité rom dans la société majoritaire et
de veiller à la montée du racisme, de la xénophobie et de
l’islamophobie dans le pays (cf. :
http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/integration-des-roms-et-montee-du-racisme-lonu-recommande-a-la-tchequie-den-faire-plus).
Invité à réagir à ces recommandations sur une chaîne de télévision
privée, le président de la République, Miloš Zeman, a déclaré qu’il
ne voyait aucune raison d’appliquer une politique de discrimination
positive vis-à-vis des Roms, estimant que « même une discrimination
positive reste une forme de discrimination ».
Toujours selon le chef de l’Etat, la grande majorité des personnes
asociales en République tchèque seraient des Roms, notamment parce
qu’elles refusent le travail qu’il leur est proposé malgré leur bon
état de santé. « Que 90% de ces asociaux soient des Roms, est
certainement vrai. Il y a aussi 10% de fainéants blancs et nous devons
nous comporter de la même façon envers tous de façon à ne discriminer
aucun des deux groupes et à ne pas violer les droits de l’homme »,
a-t-il enfin ajouté sans se préoccuper de prendre de gants.
Ces propos ouvertement anti-rom ont entraîné une autre réaction, cette
fois des membres du Conseil gouvernemental en charge des affaires de la
minorité rom. Ceux-ci ont mis en ligne une lettre ouverte sur le site
romea.cz dont Martina Horváthová, elle aussi membre du conseil, résume
le fonds :
« Je considère la déclaration de monsieur Zeman comme étant tout à
fait déplacée et hors de propos. J’estime que s’il ne dispose pas de
données précises, monsieur le président devrait s’abstenir d’avancer
des chiffres et de porter des jugements sur quelque groupe de la population
que ce soit, et ce d’autant moins si ses jugements ont une connotation
péjorative. »
Si l’on ajoute à tout cela encore l’affaire de l’école de Teplice,
où la publication par un quotidien régional d’une photo d’une classe
de première (équivalent du cours préparatoire) composée d’enfants
majoritairement roms, vietnamiens et maghrébins a provoqué une multitude
de commentaires racistes et haineux (cf. :
http://www.radio.cz/fr/rubrique/infos/le-ministre-de-leducation-outre-par-les-attaques-racistes-visant-une-ecole-de-boheme-du-nord),
on se dit alors que la République tchèque n’est finalement peut-être
pas proche seulement géographiquement de la Pologne et des grands
rassemblements nationalistes.
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