Intégration des Roms et montée du racisme : l’ONU recommande à la
Tchéquie d’en faire plus
La République tchèque est sur le gril cette semaine à Genève, où se
tient la 28e session du Groupe de travail du Conseil des droits de
l’homme des Nations unies. Cinq ans après sa dernière évaluation, la
situation des droits de l’homme en République tchèque fait l’objet
d’un nouvel Examen périodique universel par les autres Etats membres de
l’ONU. Sans surprise, l’intégration insuffisante des Roms dans la
société majoritaire et la lutte contre la montée du racisme et de la
xénophobie constituent les deux principaux points qui ont fait l’objet
de premières recommandations lors de l’exposé présenté lundi.
Après 2008 et 2012, c’est la troisième fois que la République
tchèque, au même titre que les 192 autres États membres de l’ONU, fait
l’objet de cet examen par ses pairs et certaines organisations non
gouvernementales. Cette procédure universelle, qui se répète tous les
quatre ans et demi, doit permettre de dresser un état des lieux des moyens
mis en œuvre par chaque pays pour maintenir et améliorer la situation des
droits de l’homme sur son territoire, et à traiter des violations de ces
dits droits.
Comme lors des deux examens précédents, le Conseil des Droits de
l’homme des Nations unies a donc exhorté les autorités tchèques
d’abord à revoir, encore et toujours, sa copie dans le domaine de sa
stratégie nationale d’intégration des Roms. Un problème récurrent
pour la République tchèque, régulièrement critiquée par les
institutions internationales et même accusée de ségrégation par la
Belgique, comme en convient Kateřina Šaldová, de l’antenne tchèque de
l’organisation Amnesty International :
« Si nous examinons le commentaire qui nous a été adressé ce lundi
dans son ensemble, nous devons reconnaître que c’est effectivement le
point qui a été évoqué le plus souvent, et ce par plus de vingt pays.
Parallèlement, les efforts entrepris ont eux aussi été soulignés par un
certain nombre de pays, et notamment la transformation de la loi sur les
écoles qui vise, entre autres, à permettre une meilleure intégration des
enfants roms dans le système scolaire. »
Concernant la législation en question, il s’agit concrètement de la
loi dite d’inclusion qui, depuis son entrée en vigueur à la rentrée
2016, rend obligatoires non seulement la scolarisation dans des
établissements classiques des enfants défavorisés, soit pour des raisons
de handicap physique, mental ou social, mais aussi la scolarisation en
dernière année de maternelle.
L’application de cette nouvelle loi n’empêche cependant pas la
République tchèque d’être accusée de pratiques discriminatoires et de
non-respect de la directive européenne sur l’égalité raciale, les
enfants roms étant placés de façon disproportionnée dans des écoles
spéciales pour élèves souffrant de handicaps mentaux légers. Ils sont
également placés systématiquement dans des classes et des écoles
publiques séparées. Sur ce point, la Commission européenne doit
d’ailleurs prochainement décider de la suite qu’elle donnera à la
procédure d’infraction introduite en 2014 à l’encontre de la
République tchèque.
Plusieurs autres recommandations ont bien entendu encore été faites à
la République tchèque, et notamment sur un point bien précis qui
concerne l’ensemble des pays membres du Groupe de Visegrád (République
tchèque, Hongrie, Pologne et Slovaquie), comme le regrette Kateřina
Šaldová :
« La deuxième chose qu’il convient effectivement d’évoquer, comme
l’ont d’ailleurs fait là aussi plus de vingt pays, c’est le racisme,
la xénophobie et l’islamophobie qui gagnent du terrain. Nous pourrions
même parler d’une violence inspirée par des préjugés et du délit de
diffamation raciale. Ces dernières années, les normes dans ce domaine ont
été régulièrement repoussées dans notre pays. Certains propos qui sont
tenus publiquement aujourd’hui étaient encore inimaginables il y a cinq
ans de cela. »
Le succès récent du parti ouvertement anti-Roms et anti-migrants SPD aux
élections législatives, ou encore les déclarations islamophobes tenues
dans un passé récent par le président de la République, Miloš Zeman,
confirment cet état des lieux, comme le regrette la responsable
d’Amnesty International :
« Les médias comme les politiques sont responsables. Ce sont eux qui
établissent la norme. Ce que nous pouvons lire ou entendre dans les
médias ou de la bouche des politiciens est généralement considéré
comme normal ou tolérable. Mais si vous entendez les plus hauts
représentants du pays, y compris le président de la République, dire des
choses dont le contenu constitue une violation de la loi et de facto une
diffamation discriminatoire, alors les gens peuvent penser que c’est
normal et que ce n’est pas un problème. »
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