Allocations aux repas à la cantine : certaines régions boudent le
programme national d’aide aux familles démunies
Au moins un repas chaud et complet par jour : plus de 100 000 familles en
République tchèque sont si démunies qu’elles n’ont pas la
possibilité de financer la cantine de leurs enfants qui sont réduits à
grignoter un bout de pain à la pause de midi, s’excluant du même coup
du collectif scolaire. Sans parler du déséquilibre alimentaire et des
carences qui en découlent. Un reportage de la Télévision tchèque avait
tiré la sonnette d’alarme il y a trois ans, suscitant la réaction
immédiate des autorités tchèques : des fonds ont alors été débloqués
pour financer ces repas, mais aujourd’hui, c’est du côté des régions
tchèques qu’on freine des quatre fers.
Ce qui était jusqu’alors la préoccupation de quelques ONG est devenu
aussi une affaire d’Etat : depuis le début de l’année, le ministère
de l’Education a débloqué quelque 30 millions de couronnes pour
financer les repas à la cantine des enfants de familles défavorisées,
mais aussi le ministère du Travail et des Affaires sociales, comme le
précise Martin Kučera, de la section économique et des fonds européens
:
« Nous avons dégagé environ 400 millions de couronnes, issus des fonds
européens, à destination de ce programme de financement des repas des
enfants dans les écoles du pays. »
Ce programme, destiné aux familles dépendant des aides sociales, leur
permet d’y inscrire leurs enfants, après avoir reçu confirmation du
Bureau du travail qu’ils remplissent bien les conditions. Les repas sont
ensuite payés aux enfants par les écoles qui sont les bénéficiaires des
fonds publics. Le problème auquel font le plus souvent face les écoles,
c’est la honte des familles à manifester leur désarroi, comme le
constate Helena Trojanová, responsable de la cantine d’une école
primaire :
« De notre expérience, je peux dire qu’aucuns parents ne se
manifestent spontanément. C’est le personnel pédagogique, ou nous
directement, qui détectons les enfants concernés par ce problème. Pour
la plupart des enfants, le déjeuner à la cantine est le seul repas chaud
de la journée. Pour moi, il est donc fondamental que tous y aient accès.
A la maison, le plus souvent, ils n’auront ensuite qu’un petit pain le
soir. »
Avant que l’Etat ne s’engage sur cette problématique de santé
publique, ce sont des ONG qui palliaient ce manquement, comme
l’organisation caritative Women for Women, dirigée par Jana Skopová,
qui finance ces repas grâce aux dons :
« Cette année scolaire, nous avons aidé près de 3 500 enfants dans 664
écoles primaires du pays. Les parents ne font que donner leur aval, et
l’argent récolté par un système de dons va directement dans la caisse
des écoles. »
A partir de la rentrée scolaire de septembre 2016, la ville de Prague
rejoint également le programme national lancé par les autorités
tchèques. Quatre millions de couronnes devraient ainsi être distribuées
aux écoles de la capitale à destination de près de 700 écoliers dont
les parents ne peuvent pas payer le repas de midi. Mais l’instauration du
programme national n’a pas convaincu tout le monde, car sur les 14
régions du pays, seules celles de Liberec, de Moravie du Sud et de la
Vysočina ont répondu présentes.
D’autres, comme par exemple, celle de Bohême centrale, justifient leur
refus en arguant que les familles concernées bénéficient déjà
d’allocations sociales, estimant que cette aide aux repas ferait doublon.
Mais pour le ministère du Travail et des Affaires sociales, derrière ce
refus se cachent aussi des justifications moins avouables, comme le fait
que ces familles sont souvent issues de la minorité rom. Une
discrimination que regrette Martin Kučera :
« Ces enfants issus de familles roms n’ont pas de repas de midi. Nous
estimons que ces familles ont tout autant le droit de bénéficier de ce
financement. Mais certaines régions nous ont fait clairement comprendre
que ces familles ne sont pas prioritaires. »
Un repas à la cantine ne coûte pas plus de 30 CZK (un peu plus d’1
euro), mais pour les familles en galère, auxquelles il ne reste que
quelques centaines de couronnes pour finir le mois après avoir réglé
leurs factures, ce maigre pécule reste un gros investissement quotidien
qu’elles renoncent à faire.
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