La mémoire rom toujours en jeu à Lety
Malgré des protestations récurrentes, une grande exploitation porcine est
toujours située à proximité de l’ancien camp d’internement destiné
aux Roms de Lety, en Bohême du Sud, en activité durant la Seconde Guerre
mondiale. Les organisations qui militent pour la fermeture de cette
porcherie ont peut-être trouvé la parade : ils demandent à l’Union
européenne de cesser de subventionner la ferme qui symboliserait le peu de
considération des autorités tchèques pour la mémoire rom.
Le 13 mai dernier, une cérémonie de commémoration des victimes roms de
l’Allemagne nazie était organisée au mémorial de Lety. C’est dans
cette petite commune non loin de la ville de Písek que fut ouvert en 1940
un camp de travail, dont la construction avait été décidé par le
gouvernement tchécoslovaque un an auparavant, et d’abord destiné à des
personnes considérées comme « asociales ».
A partir de 1942 et jusqu’au mois de mai 1943, à l’instar du camp de
Hodonín en Moravie, il devient camp de concentration pour les Roms, qui
sont plus de 1300, des hommes, des femmes et des enfants, à y être
enfermés. 326 d’entre eux y trouvent la mort et plus de 540 sont
transférés vers le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Au
total, environ 90% de la population rom de Bohême et de Moravie fut
victime du système d’extermination nazi.
Sans égard à une quelconque question mémorielle, c’est pourtant cet
emplacement de Lety qui est choisi en 1973 pour accueillir une importante
exploitation porcine, ferme qui loin de disparaître suite à la chute du
régime communiste, passe entre des mains privées.
Depuis, en dépit de protestations répétées et d’injonctions venues
de toute part, que ce soit des organisations des droits de l’homme, du
Comité des droits de l’Homme de l’ONU ou bien encore du Parlement
européen, il n’a jamais été possible d’obtenir la fermeture ou la
destruction de la porcherie, dont la présence est vécue comme un insulte
à la mémoire des lieux. S’exprimant le 8 avril dernier à l’occasion
de la Journée internationale des Roms, l’artiste Vojtěch Lavička, connu
pour son groupe Gipsy.cz et pour son engagement en faveur de la cause rom,
s’exprimait sur le sujet :
« C’est une grande honte pour la République tchèque et pour la nation
tchèque. Je pense qu’il serait temps que la conscience des Tchèques se
réveille parce que la garnison de ce camp était tchèque, que ce camp est
né à l’initiative de Tchèques. Personne ne les a forcés à mettre en
place ce camp. Malheureusement cette prise de conscience n’a d’une
certaine façon pas fonctionné. A l’époque où je siégeais au sein de
la commission gouvernementale pour les affaires liées à la communauté
rom et que nous réfléchissions à la destruction ou non de la porcherie,
il n’y avait malheureusement aucune volonté de la part des
représentants officiels de faire la moindre chose. »
Récemment, le ministre en charge des droits de l’homme Jiří
Dienstbier a évoqué la poursuite de négociations avec la ferme,
indiquant qu’aucune issue ne semblait pouvoir être trouvée pour
l’heure. Dans le concept de «stratégie pour l’intégration des Roms
» dont il est à l’initiative, la situation actuelle à Lety est
pourtant jugé « inacceptable » et « insupportable ». Le document
indique que différents ministères doivent collaborer pour trouver une
solution avec fin 2018…
Différentes ONG ont peut-être trouvé un nouveau moyen de faire avancer
les choses : lundi, dans une lettre, elles appellent l’Union européenne
à cesser de verser les subventions agricoles dans bénéficie
l’exploitation porcine. Miroslav Brož, de l’association Konexe, estime
que sans cet argent, l’exploitation aurait tôt fait de faire faillite.
Mais selon Jan Michal, le chef de la représentation de la Commission
européenne en Tchéquie, c’est le gouvernement tchèque qui décide de
la répartition de ces dotations…
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