Inclusion dans les écoles tchèques : un thème qui suscite de nombreuses
questions
L’égalité des chances et l’intégration de tous les enfants, tels
sont les deux principaux arguments en faveur de l’inclusion scolaire qui
devrait être appliquée en République tchèque à partir de septembre
2016. Signé par le président en avril dernier, l’amendement à la loi
scolaire qui vise à garantir des mesures de soutien gratuites aux enfants
ayant des besoins spéciaux dans l’enseignement, suscite néanmoins de
nombreux débats dans la société tchèque. Si certains se prononcent en
faveur de ces changements qu’ils considèrent comme essentiels dans
chaque société démocratique, nombreux sont ceux qui critiquent le
projet, notamment en raison de la vitesse à laquelle il est censé être
appliqué.
« Nous jouons ensemble, nous étudions ensemble et nous travaillons
ensemble. Nous ne vivons pas séparément. »
C’est par ces mots que la ministre de l’Education, Kateřina
Valachová, présente le projet de l’inclusion scolaire, une des
priorités de son ministère pour 2016. Visant à intégrer dans les
classes « normales » des enfants avec différents types de besoins
spécifiques, qu’il s’agisse d’enfants avec un handicap mental ou
d’enfants défavorisés, l’éducation inclusive est devenue un sujet
d’actualité très médiatisé. Malgré la campagne d’information
lancée par le ministère, les voix qui s’opposent au projet résonnent
de plus en plus fort, notamment de la part des enseignants qui craignent le
manque de préparation relatif aux mesures qui sont censées être
appliquées, ainsi que le manque d’assistants et de pédagogues
spéciaux. De même, ces derniers estiment que la nouvelle réglementation
compliquera le travail des enseignants et que la qualité de
l’enseignement va ainsi baisser. Sans oublier les parents, qui n’ayant
pas assez d’informations concrètes voient tous ces changements avec une
certaine appréhension.
Le projet a aussi ses adversaires chez de nombreux politiciens tchèques
qui le considèrent comme une expérimentation aux objectifs et résultats
incertains. Parmi eux, par exemple l’ancien ministre de l’Education et
actuel chef du Parti civique démocrate, Petr Fiala, ou même le président
Miloš Zeman qui avait signé cet amendement à la loi scolaire en avril
dernier. Lors d’une conférence de presse dans le cadre de sa visite à
Liberec, le chef de l’Etat a ajouté un nouvel argument à ses critiques
:
« L’inclusion prive les enfants avec un handicap mental du plaisir du
succès car dans une ‘classe normale’, ils seront toujours les
derniers. Pensez aussi à ce triste argument psychologique parce que chacun
d’entre nous est content quand il remporte un succès. »
Les partisans de l’inclusion scolaire s’opposent à cette dialectique
en indiquant notamment que l’amendement n’introduit que des changements
formels. Selon le chef du Conseil national des personnes handicapées,
Václav Krása, l’inclusion ne représente aucune nouveauté, fait dont
témoignent également les statistiques montrant qu’environ 5 500 sur 14
000 enfants avec un léger handicap mental fréquentent aujourd’hui des
classes « normales ». Au contraire, l’adoption de mesures qui
garantissent un soutien à ces enfants, dont notamment l’emploi de
pédagogues spéciaux et un enseignement selon un plan individuel, devrait
permettre à ces élèves, explique-t-il, d’être accueillis dans les
écoles qui n’en auraient pas autrement eu les moyens.
Dernièrement, le ministère est arrivé avec un nouvel argument en faveur
de l’inclusion scolaire. L’adoption des règles relatives à
l’éducation inclusive pourrait, selon eux, empêcher la discrimination
et la ségrégation des enfants roms, relégués dans des écoles «
pratiques » ou dans des classes « spéciales », une pratique pour
laquelle la République tchèque doit faire face aux nombreuses critiques
de différentes ONG, ainsi que du Conseil de l’Europe. C’est le cas par
exemple d’une école primaire à Krásná Lípa qui s’est retrouvée
ces derniers jours dans les médias tchèques pour avoir formé une classe
uniquement composée d’enfants roms. Si sa directrice se défend en
disant que les enfants ont été séparés parce qu’ils n’avaient pas
fréquenté l’école maternelle et qu’il ne s’agissait pas de
ségrégation raciale, l’inspection scolaire critique l’établissement
pour leur avoir accordé une éducation de qualité inférieure.
Ministre-adjoint de l’Education, Stanistav Štech, ajoute :
« Ce que l’on a découvert et prouvé est absolument inacceptable. Pour
moi, cela représente une confirmation que le projet de l’inclusion
scolaire est bon. »
L’amendement à la loi scolaire ne concerne néanmoins pas seulement les
enfants ayant des difficultés dans le domaine de l’enseignement mais
également les enfants surdoués, qui se sentent souvent exclus des
collectifs normaux. Ces derniers auront nouvellement le droit à une prime
financière qui leur permettra de développer leurs talents, la
possibilité d’étudier selon un plan individuel ou encore le droit de
faire un stage dans un autre établissement scolaire.
Selon les experts, les questions qui voient actuellement le jour dans la
société tchèque sont dues notamment à l’absence d’information.
C’est pour cette raison que la ministre assure que la décision
principale dans la question de l’intégration d’un enfant devrait
reposer avant tout sur ses parents. Pour prévenir les possibles
défaillances, elle a fixé une période de transition de deux ans lors de
laquelle les deux systèmes existeront parallèlement.
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