Amnesty International tance la République tchèque sur la question des
réfugiés et la discrimination des enfants roms
Dans son rapport annuel, l’ONG Amnesty International pointe du doigt
notamment les manquements de la République tchèque vis-à-vis de la
question des réfugiés, mais revient également sur le problème de la
trop forte proportion d’enfants roms dans les écoles « pratiques »,
où sont pris en charge des enfants avec un léger handicap mental. Pour
évoquer ces questions brûlantes de l’actualité, Radio Prague a joint
le directeur du bureau tchèque d’Amnesty International, Mark Martin, qui
a d’abord rappelé en quoi consistait ce rapport annuel.
« Notre intention est de présenter un rapport qui capte l’état des
droits de l’Homme dans le monde entier. Cette année, par exemple, il y a
160 pays que nous avons étudiés, comme on le fait tous les ans. Nous
voulons présenter l’état des droits de l’Homme dans ces pays. »
La question des réfugiés et de la crise migratoire fait
l'actualité que ce soit en République tchèque ou ailleurs en
Europe. Quelles sont les conclusions d'Amnesty sur la question des
réfugiés en République tchèque ?
« Il y a plusieurs conclusions sur la question des réfugiés en
République tchèque. Une des plus importantes, c’est le fait que la
République tchèque ne fait pas grand-chose pour trouver une solution à
sa mesure au problème des réfugiés. Le refus constant de la République
tchèque d’accueillir des réfugiés dans le pays est pour nous un gros
problème. Après une longue lutte avec le gouvernement, ce dernier a fini
par accepter d’accueillir un faible nombre de réfugiés, soit environ 2
000 personnes. Pour un pays de 10 millions d’habitants, c’est un
chiffre vraiment très bas. Cela dit, ce n’est pas uniquement un
problème tchèque, c’est aussi le cas pour toute la région de
l’Europe centrale. La deuxième chose, c’est que la République
tchèque, comme on a encore pu le voir après la réunion du groupe de
Visegrad, c’est que l’accent est beaucoup mis sur le problème des
frontières et pas du tout sur celui de la situation des réfugiés. Selon
nous, il faut changer le mode d’approche de ce problème et faire
davantage pour garantir la sécurité des routes pour les migrants qui
viennent en Europe depuis l’Afrique ou ailleurs. »
Le rapport évoque notamment nommément le président tchèque Miloš
Zeman et ses déclarations sur les réfugiés et les musulmans. Est-ce
fréquent, dans vos rapports, de faire référence de manière aussi
explicite à des hommes politiques, et particulièrement à un homme
politique haut placé ?
« Je dirais qu’on ne le fait pas tout le temps, mais ce n’est pas
rare. Dans un cas comme celui du président Zeman, l’organisation Amnesty
International doit dire ce qu’elle pense de ses propos. Ce n’est pas
dans le rapport annuel, mais on a aussi commenté très sévèrement les
choses qu’a dites Viktor Orban en Hongrie. C’est la même chose. Cela
veut dire qu’on ne le fait pas tout le temps, mais quand ce sont des
choses graves comme ce qu’a pu déclarer M. Zeman, il faut le dénoncer.
»
De manière générale, le rapport pointe du doigt la gestion de la crise
migratoire par l'ensemble des pays de l'UE, hormis
l'Allemagne. Les pays d'Europe centrale sont très souvent mis en
cause par les pays occidentaux pour leur position sur cette question. Mais
le rapport d'Amnesty International montre que la France par exemple
est aussi critiquable dans sa gestion des réfugiés...
« La France peut en effet faire les choses différemment et mieux. Il
fallait le dire aussi dans notre rapport. La France fait partie d’un
groupe de pays européens qui ont des problèmes différents de ceux des
pays du groupe de Visegrad. La France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie et
l’Espagne ont des problèmes avec la gestion des réfugiés. Un cas
spécifique, mentionné dans le rapport, est celui du campement de Calais
où il y avait jusqu’à 5 000 personnes. Ils y ont été mal traités et
ce n’est pas une situation acceptable. C’est quelque chose qu’il faut
améliorer, comme il faut le faire en Grèce, en Espagne et en Italie. »
Dernière question : le rapport d'Amnesty International revient sur
la question de la présence toujours importante d'enfants roms dans
les écoles dites "spéciales". Quel chemin reste-t-il à faire
pour la République tchèque et quels progrès ont été faits sur cette
question ?
« Cela fait plus de dix ans que nous faisons des rapports sur ce
problème. Il y a un trop fort pourcentage d’enfants roms dans les
écoles dites ‘pratiques’, destinées aux élèves ayant un faible
handicap mental. Le fait est que 30% des enfants roms sont étiquetés
comme ayant ce problème, alors que l’on sait très bien que ce n’est
pas le cas. A l’heure actuelle, une procédure d’infraction est en
cours à l’encontre de la République tchèque, mais aussi de la
Slovaquie et de la Hongrie. La République tchèque est désormais obligée
de faire quelque chose avec ce problème. Plusieurs mesures ont été
adoptées pour régler cette situation, et on va voir désormais quel va
être le résultat. Un nouveau système dans les écoles doit être mis en
place à partir de la rentrée 2016. Selon nous, il faut maintenant suivre
avec attention les développements pour voir si le pays fait ce qu’elle
doit faire en fonction de l’accord trouvé avec la Commission
européenne. »
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