Rapport Social Watch : la pauvreté ne recule pas dans une société
tchèque marquée par la montée de l’intolérance
Malgré la reprise de l’activité économique, la pauvreté continue de
menacer de nombreux Tchèques. Par ailleurs, le racisme à l’égard des
Roms a quelque peu été éclipsé par la montée de l’islamophobie et de
la peur des migrants. Ce sont les principaux constats de l’ONG
internationale Social Watch dans son septième rapport annuel publié cette
semaine.
La croissance du PIB tchèque au second trimestre s’est établie sur un
an à 4,4%, un dynamisme qui place la République tchèque, récemment
sortie de la crise, dans le peloton de tête européen. Quant au taux de
chômage, il atteint des niveaux historiquement bas, à 6,3% au mois de
juillet. Pourtant, de très nombreux Tchèques ne vivent que très
légèrement au-dessus du seuil de pauvreté, lequel est fixé à 60% du
salaire médian, et un demi-million de personnes vivent toujours sous ce
seuil. Aussi, la République tchèque recule, au contraire par exemple de
son voisin slovaque, par rapport à la moyenne des niveaux de vie à
l’échelle européenne.
Cohérent avec le programme électoral du parti social-démocrate, le
gouvernement de Bohuslav Sobotka a annoncé jeudi une nouvelle hausse de
700 couronnes du salaire minimum, qui devrait progressivement être porté
aux deux cinquièmes du salaire moyen. Economiste ayant contribué à la
rédaction du rapport de Social Watch, Ilona Švihlíková salue cette
mesure et reconnaît les efforts en la matière de la coalition
gouvernementale :
« Je pense que l’un des points les plus importants est lié à la
hausse du salaire minimum. Il faut aussi souligner que le gouvernement
actuel est bien plus conscient que son prédécesseur de l’importance du
thème du logement social. Pour moi, cette hausse du salaire minimum est
clairement nécessaire. Il n’est pas normal et c’est un non-sens
économique que le salaire minimum soit à un niveau bien inférieur au
seuil de pauvreté. Quand on regarde des comparaisons internationales, on
constate que les personnes célibataires en République tchèque -un groupe
très menacé par la pauvreté - doivent en moyenne travailler plus
longtemps pour éviter de se retrouver sous le seuil de pauvreté. »
Vice-présidente du comité parlementaire en charge de la politique
sociale, la députée Radka Maxová, du mouvement ANO, la deuxième force
du gouvernement, considère que le rapport est positif et qu’il convient
de poursuivre le travail entamé avec l’objectif de « réduire la
différence du niveau des salaires avec les autres pays européens, de
baisser le nombre de personnes en situation de pauvreté et de gommer les
inégalités salariales entre hommes les femmes ». Une ardeur tempérée
par Ilona Švihlíková, qui souligne que les fruits de la croissance sont
inégalement partagés, les bénéfices augmentant plus vite que les
salaires et profitant bien souvent à des investisseurs étrangers.
Voilà pour l’aspect économique du rapport Social Watch, qui
s’attache également à prendre température de la société tchèque.
L’an passé, les auteurs insistaient en particulier sur la montée du
racisme anti-Tsigane, et ce sur le long terme, au moins depuis la
révolution de 1989. Mais ces derniers mois, les problématiques
migratoires ont pris le dessus dans les médias et l’opinion publique.
Avec le conflit armé en Syrie et les attentats à Paris ou en Tunisie, a
émergé un violent sentiment islamophobe, couplé à une peur des
migrants, qu’utilisent et entretiennent certains mouvements comme celui
de l’entomologiste de l’Université de Bohême du Sud Martin Konvička
ou les formations politiques successives de l’homme d’affaires
tchéco-japonais Tomio Okamura. C’est dans ce contexte que le ministre en
charge des droits de l’homme Jiří Dienstbier a apporté jeudi son
soutien à la lettre signée par plus de 2500 chercheurs contre la peur et
l'indifférence à l'égard des migrants. Le social-démocrate a
également commenté le rapport Social Watch pour la Radio tchèque :
« Je pense que cela (la montée de la xénophobie, ndlr) représente un
plus grand risque pour notre société que la vague migratoire, qui
évidemment a aussi des implications pour la sécurité. Mais
l’intolérance au sein même de notre société constitue selon moi un
plus grand risque aujourd’hui. »
Outre ces questions, le rapport de Social Watch, réseau international né
en 1995 sur la base de neuf organisations, s’intéresse également à la
bonne santé du secteur de l’armement en République tchèque, regrettant
que ces armes finissent bien souvent dans les mains de régimes
autoritaires. Enfin, il est aussi question d’égalité des sexes. Les
auteurs du rapport se satisfont de la volonté affichée du gouvernement
d’avancer sur ce sujet et remarquent par exemple une hausse du nombre de
femmes élues au poste de maire, puisqu’elles sont désormais à la tête
de 23% des municipalités tchèques.
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