Exclusion sociale : le nombre de ghettos a doublé en République tchèque
Même si le niveau de vie moyen tend à croître et que le taux de chômage
est l’un des plus faibles en Europe avec une nouvelle baisse à 6,7% en
avril, la pauvreté, la misère, la précarité et l’exclusion sociale
gagnent elles aussi du terrain en République tchèque. Selon une analyse
commandée par le ministère du Travail et des Affaires sociales, dont les
données ont été communiquées mercredi, le nombre de localités
défavorisées, aussi appelées ghettos, a considérablement augmenté ces
dernières années et continue d’augmenter. Depuis 2006, leur nombre a
même doublé et s’élève aujourd’hui à un peu plus de 600. Et si la
minorité rom constitue l'essentiel de cette population la plus
défavorisée, certaines classes de la majorité tchèque sont elles aussi
concernées.
115 000 personnes, soit environ une sur cent, et 35 000 de plus qu’il y a
neuf ans de cela, vivent en République tchèque en 2015 dans des
conditions de pauvreté et d’exclusion extrêmes, c’est-à-dire dans
des maisons, rues ou quartiers insalubres et indignes. Le phénomène
concerne l’ensemble du pays, puisque ces « ghettos » dont certains
ressemblent fort à des bidonvilles, précisément au nombre de 606, ont
été recensés dans 297 villes et communes. Toutefois, toutes les régions
ne sont pas logées à la même enseigne, comme l’explique le sociologue
Karel Čada, responsable de l’analyse réalisée par la société GAC :
« Le problème concerne primordialement quatre régions que sont les
régions d’Ústí nad Labem, de Moravie-Silésie, de Karlovy Vary et
d’Olomouc. Mais il y a aussi quelques nuances entre ces régions. Tandis
que nous pouvons parler de localités plus grandes dans la région
d’Ústí nad Labem, qui font souvent partie des villes, on trouve des
localités à caractère plus rural dans les régions notamment de Karlovy
Vary et d’Olomouc. Et par rapport à la précédente analyse en 2006, il
semble que ce soient surtout ces localités rurales ou plus petites qui se
sont développées. »
Dans la région de Karlovy Vary, en Bohême de l’Ouest, le nombre de ces
localités défavorisés a triplé en l’espace de neuf ans pour
s’élever actuellement à un peu plus de soixante. Mais dans la région
voisine de Plzeň (Pilsen), en Moravie du Sud et en Moravie-Silésie, le
taux d’évolution entre 2006 et 2014 a aussi été de 2,5. Prague, qui
est l’une des régions urbaines les plus riches de l'Union
européenne en termes de PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat,
affiche l’indice le plus faible (1,17) avec sept localités
défavorisées, soit seulement une de plus que lors de l’analyse
précédente.
Par localité défavorisée, les auteurs de l’analyse considèrent tout
endroit dans lequel vit un minimum de vingt personnes en situation de
détresse. Il s’agit d’une population le plus souvent dépendante des
allocations sociales, au chômage, endettée ou encore possédant un faible
niveau d’instruction. La ministre du Travail et des Affaires sociales,
Michaela Marksová, a été contrainte de reconnaître que, dans
l’ensemble, la situation de cette catégorie de la population se
détériorait et que le fossé entre les pauvres, de plus en plus nombreux,
et les riches continuait de se creuser. Un aveu d’échec pour l’Etat et
les responsables politiques, comme le sous-entend Karel Čada :
« Ce constat prévaut essentiellement pour le nombre d’habitants de ces
localités. Le même modèle d’exclusion se reproduit de génération en
génération. Les jeunes fondent une famille dans les mêmes conditions que
celles dans lesquelles ils ont grandi. Le système éducatif n’a pas
été en mesure de faire évoluer et d’améliorer leur situation. Rares
sont ceux qui travaillent et mènent une carrière professionnelle à
l’extérieur de ces zones socialement défavorisées en trouvant une
place sur le marché ouvert du travail. »
En février dernier, un rapport de l’Agence gouvernementale pour
l’intégration sociale avait déjà souligné que la stratégie nationale
de lutte contre l’exclusion appliquée entre 2011 et 2015 avait été un
échec, avec une situation générale, pouvait-on lire, qui ne s’est «
fondamentalement pas améliorée », notamment pour les Roms qui
constituent la majorité de cette population. Mais, trois mois plus tard,
on voit que les conditions de vie se sont aussi détériorées pour
d’autres catégories, notamment les personnes sans emploi et endettées
ou encore un certain nombre de retraités, qui représentent pas moins de
7% de la population de ces « ghettos tchèques ». Radek Jiránek, qui
devrait être nommé nouveau directeur de l’Agence gouvernementale pour
l’intégration sociale la semaine prochaine, a donc du pain sur la
planche…
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