La montée du sentiment anti-rom en 2013
La semaine dernière, l’antenne tchèque de l’ONG internationale Social
Watch (« Observateur social » en français) a publié son sixième
rapport portant sur l’évolution de plusieurs thématiques sociales au
cours de l’année 2013. Au micro de Radio Prague, la journaliste Saša
Uhlová, auteur du chapitre portant sur la montée du racisme vis-à-vis
de la minorité rom, évoque ses principales conclusions.
Tout d’abord, Saša Uhlová analyse la force des mots et la
signification des différentes appellations pour désigner les Roms :
« ʻRomsʼ est le nom du groupe ethnique, tel que le groupe ethnique
l’utilise pour lui-même. ʻTsiganesʼ est un exonyme, c’est-à-dire un
terme que la population tchèque ou européenne utilise pour les groupes de
Roms. ʻInadaptablesʼ est un terme que l’on utilise pour ne pas dire
Tsiganes ou Roms parce que, soi-disant, nous ne sommes pas racistes, mais
tout le monde sait qu’il s’agit des Tsiganes, et cela signifie que ce
sont des gens qui ne savent pas s’adapter. ʻMilieux défavorisésʼ est
plutôt un terme universitaire qui veut dire que ces gens vivent dans des
endroits qui les prédisposent à un certain mode de vie. Mais il ne
s’agit pas uniquement des Tsiganes. Il y a bien sûr des Tchèques
ethniques qui habitent dans ces milieux-là, comme il y a plein de Tsiganes
qui ne sont pas défavorisés socialement. »
Les médias, et leur manière d’informer sur les Roms, influencent le
regard que porte la société sur cette communauté. Ainsi, dans son
rapport, Saša Úhlová dénonce la tendance qu’ont les journalistes
tchèques à rapporter des banalités, comme ces petites bagarres dans les
auberges qui figurent en une des journaux uniquement parce qu’elles
impliquaient des Roms. Quelle image des Roms a donc bien pu avoir un
observateur des médias tchèques en 2013 ?
« L’image de gens qui ne travaillent pas, qui reçoivent beaucoup
d’argent de l’Etat, qui détruisent leurs appartements, qui
n’envoient pas leurs enfants à l’école. C’est à peu près cela.
Pas très flatteur et souvent pas vrai. Le pourcentage des Roms qui sont
défavorisés socialement augmente, mais cela ne concerne pas néanmoins
les 220 000 Roms qui vivent en République tchèque. Il y a en a plein qui
sont intégrés et travaillent, qui ont suivi des études, mais on ne les
voit pas. Si on entre dans un magasin et que la vendeuse est rom, comme par
exemple pas très loin de l’endroit où nous parlons, les gens ne les
voient pas comme des Tsiganes parce que ce sont des vendeuses. Ils
remarquent les Tsiganes quand ils sont en groupe dans la rue parce qu’ils
en ont peur, mais ils ne se rendent pas compte qu’ils les rencontrent
aussi comme conducteurs de tram ou dans d’autres métiers parce que, à
ce moment-là, ils ne les perçoivent pas comme des Tsiganes, mais comme
des vendeurs ou des conducteurs de tram. »
Saša Uhlová évoque la cause principale du sentiment anti-rom qui
s’est révélé notamment lors des manifestations racistes de 2013 :
« Il existe en République tchèque une couche sociale composée de gens
qui travaillent mais qui sont très mal payés. Bien sûr, il y a aussi des
Tsiganes là-dedans parce qu’ils font des métiers qui sont très mal
payés. Mais je pense que c’est là que naît cette haine des Tsiganes ou
des autres. C’est une peur mais aussi une désillusion. On vit dans une
démocratie, mais il y a beaucoup de gens qui ne vivent pas bien. La classe
moyenne en République tchèque ne va pas bien. C’est ce qui, je pense,
explique la grande augmentation du racisme, de la xénophobie, de la peur.
On cherche un coupable. »
Pour en savoir plus sur les racines du sentiment anti-rom, sur le langage
médiatique et sur l’évolution de la situation depuis la Révolution de
velours, rendez-vous dans la prochaine rubrique Panorama.
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