Le Conseil de l'Europe préoccupé par le retour des
manifestations anti-roms en République tchèque
Avec le printemps semble désormais arriver également la saison des
manifestations racistes visant les Roms. Des défilés de ce type, qui se
sont multipliés en 2013, sont annoncés cette année. En réaction, le
Commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le
Letton Nils Muižnieks, a fait part de sa préoccupation en envoyant une
lettre au Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka, une lettre à
laquelle ce dernier a répondu en promettant qu’il lutterait contre les
discriminations visant les Roms.
Les médias se sont largement fait l’écho l’an passé des nombreuses
marches à caractère raciste à l’encontre des populations roms, qui ont
parfois dégénéré dans la violence comme à České Budějovice en
Bohême du Sud. Ce triste scénario, qui se nourrit de misère sociale et
de racisme latent, risque fort de se reproduire cette année. Face à cette
menace, le Commissaire européen en charge des droits de l’homme Nils
Muižnieks a pris les devants pour éprouver la détermination du jeune
gouvernement du social-démocrate Bohuslav Sobotka à s’engager pour
résorber ce phénomène :
« Cela se passe depuis plusieurs années. L’année dernière, nous
avons remarqué que 22 personnes d’origine rom qui ont été victimes
d’attaques. Ces manifestations ne sont pas protégées par l’article 11
de la Convention européenne des droits de l’homme car elles présentent
une menace pour les droits d’autrui. Donc s’il y a de vraies menaces
contre les Roms, on peut interdire ces manifestations et même sanctionner
les organisations qui en sont à l’origine. Et j’ai encouragé les
autorités tchèques à agir assez fortement. »
Pour cela les pouvoirs publics ont plusieurs moyens à leur disposition.
Le Commissaire estime que les tracés des manifestations, certaines prenant
leur départ dans des quartiers où habitent majoritairement des Roms,
d’autres s’y dirigeant, doivent faire l’objet d’une attention
particulière. De la même façon, les autorités doivent intensifier leur
surveillance des organisations propageant la haine et le racisme en les
sanctionnant sévèrement à la moindre infraction. Mais cela n’est pas
tout, à long terme, il convient d’agir sur le racisme en profondeur et
sur les contextes sociaux qui font son terreau, ainsi que l’explique Nils
Muižnieks :
« Les autorités publiques, locales et régionales, et surtout les
dirigeants politiques ont la responsabilité d’agir contre le racisme,
ont la responsabilité de ne pas répandre les stéréotypes et les
préjugés à l’encontre des Roms. Ils doivent donner un signal montrant
que l’intolérance n’est pas acceptable et que les Roms sont des
citoyens tchèques avec les mêmes droits que les autres. Surtout il faut
agir sur les contextes sociaux où le racisme peut émerger. Il s’agit
surtout des contextes de ségrégation donc il faut combattre cette
ségrégation dans les écoles et dans le domaine du logement. Dans les
milieux ségrégés, on voit souvent apparaître le racisme car nous n’y
avons pas de contact avec l’autre. »
Ces recommandations, qui consistent par exemple à revoir profondément le
modèle des écoles dites « spéciales », lesquelles sont destinées aux
élèves souffrant d’un léger handicap mais qui accueillent en fait une
majorité d’enfants roms sans que cela soit justifié, ont fait l’objet
d’un rapport rédigé l’an dernier par le bureau du Commissaire. Le
Premier ministre Bohuslav Sobotka a répondu à la lettre qu’il a reçue
en déclarant s’engager fermement pour lutter contre les discriminations
et pour protéger les minorités en République tchèque. Nils Muižnieks a
plutôt apprécié le message bien qu’il attende désormais de voir si
cette volonté affichée se concrétisera dans les faits :
« La lettre du Premier ministre est une très bonne lettre parce qu’il
reconnaît qu’il y a des problèmes. Il y répète qu’il est prêt à
agir. Cela est très bien mais le grand défi sera le premier mai. Le
premier mai, à Ústí nad Labem et à Ostrava, les néo-nazis veulent
organiser des manifestations. Donc la réaction des autorités nationales
et locales envers ces néo-nazis va être un examen assez important pour
voir s’ils sont réellement prêts à lutter contre le racisme. »
Nils Muižnieks est particulièrement inquiet à Ostrava où le défilé
pourrait traverser un quartier où vivent de nombreux Roms. Selon lui, en
fonction également de l’identité des organisateurs de ces marches, il
faut soit en modifier le parcours, soit purement et simplement les
interdire.
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