Comité d’Helsinki : une loi pour indemniser les femmes rom stérilisées
Le Comité tchèque d’Helsinki a préparé un projet de loi afin de
dédommager les femmes, en majorité rom, ayant été stérilisées
illégalement sans consentir de manière informée à l’opération.
D’après ce texte de loi, l’Etat pourrait débloquer une somme de 250
000 couronnes (9 260 euros) pour l’indemnisation de chacune des victimes.
Le problème des stérilisations non consenties de femmes rom est discuté
en République tchèque depuis 2004 quand le Centre européen des droits
des Roms a révélé l’existence de cas de ce type dans plusieurs pays
d’Europe centrale, en pointant surtout du doigt la République tchèque
et la Slovaquie. En effet, à l’époque du régime communiste, l’Etat
incitait les femmes rom à avoir moins d'enfants et à se faire
stériliser, en leur offrant une compensation de 10 000 couronnes. Selon le
rapport de l’ombudsman, le médiateur de la République, les
stérilisations étaient réalisées dans certains cas sous la menace
d’une suppression des allocations familiales. Ces pratiques, qui
paraissent appartenir à une période révolue, ont pourtant continué dans
les années 1990 et même au-delà, car selon l’Association des femmes
stérilisées, un autre cas de stérilisation non consentie date de 2007.
La victime est une femme rom de Frýdek-Místek, mère de 4 enfants.
En novembre 2009, le gouvernement d’ « experts » présidé à
l’époque par Jan Fischer a présenté les excuses de l’Etat tchèque
aux victimes de la stérilisation contrainte. Depuis, aucune indemnisation
n’a été versée à toutes les femmes concernées. Michaela Tejnorová,
avocat du Comité tchèque d’Helsinki précise la nature de la demande du
Comité auprès des instances publiques :
« Il s’agit de verser une somme d’argent unique et appropriée afin
d’indemniser les personnes qui ont été stérilisées en contradiction
avec le droit. Plus de quarante femmes se sont adressées au Comité
d’Helsinki dans ce cadre. Ce chiffre est peut-être éloigné de la
population totale affectée, mais il est lié au fait que beaucoup de
femmes ne souhaitent plus parler publiquement de leur problème. »
En l’absence de statistiques officielles, les estimations quant au
nombre de femmes concernées varient de manière significative. Selon la
Télévision publique, il pourrait s’agir de plusieurs dizaines de cas
pour la seule région d’Ostrava. Plus de 80 femmes se seraient adressées
au médiateur de la République en 2005. Le serveur Aktuálně.cz parle de
centaines ou même des milliers des femmes concernées, des cas datant
surtout de la période du régime communiste.
Le texte de la loi rédigé par le Comité d’Helsinki a été soumis à
tous les partis politiques parlementaires ainsi qu’au ministère de la
Justice. Néanmoins, le soutien des instances publiques est loin d’être
acquis. On écoute la porte-parole du ministère de la Justice, Štěpánka
Čechová qui considère la protection légale existante tout à fait
adéquate :
surtout de la période du régime communiste.
« Il est possible d’invoquer les dispositions du Code civile actuel
dans le cas des stérilisations illégales, et le ministère considère les
dispositions déjà en vigueur comme satisfaisantes. »
Les victimes de la stérilisation devraient donc s’adresser aux
tribunaux. Néanmoins, la question du dédommagement par voie judiciaire
reste sensible. La première décision en faveur de l’indemnisation
d’une victime a été rendue en 2007. A cette époque, la Cour suprême
de Brno a estimé que le droit au dédommagement ne faisait pas l’objet
d’un régime de prescription, cela aurait été contraire aux « bonnes
mœurs ». Or, plusieurs années plus tard, en 2012, la requête d’une
autre victime a été rejetée par la même Cour suprême en invoquant
justement la prescription pour cette femme rom stérilisée en 1982 et qui
aurait manifesté sa volonté d’être indemnisée trop tard.
L’affaire a même atteint la Cour européenne des droits de l’homme.
La Slovaquie a plusieurs fois été condamnée à payer des dédommagements
aux femmes concernées. En novembre 2012, trois femmes se sont vu accorder
le droit à une indemnisation de 30 000 euros pour chacune d’entre elles.
Si la République tchèque n’a pas encore été condamnée à Strasbourg,
c’est surtout parce qu’elle a opté pour une compensation
extrajudiciaire. En 2011 et 2012, deux plaintes ont ainsi été retirées
après que l’Etat a proposé un dédommagement de 10 000 euros à chacune
de ces deux femmes.
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