Journée internationale des Roms : entre culture et lutte sociale
Le 8 avril est la journée internationale des Roms. A cette occasion, une
multitude d’événements culturels étaient organisés à travers la
République tchèque. Pour les organisateurs, le but de l’opération est
principalement de diffuser et de faire connaître la culture rom, mais
aussi de mettre l’accent sur les nombreuses discriminations dont
souffrent les populations de cette minorité dans la société tchèque,
que ce soit en termes de logement, d’emploi ou d’éducation.
L’hymne rom, composé par le musicien tzigane Žarko Jovanović, a
retenti à Brno, Olomouc, Prague et dans d’autres localités moins
importantes de République tchèque pour célébrer la Journée
internationale des Roms. Les curieux de toutes origines sociales ou
ethniques ont pu assister à des concerts, danser sur des airs tziganes ou
encore goûter certains mets traditionnels comme le goulasch à la roumaine
ou le gâteau aux noix et aux épices. En tout, une centaine d’actions
ont donné à voir, le temps d’une journée, la diversité et la richesse
des cultures rom, ces populations originaires de l’Inde qui ont émigré
en Europe au Moyen-âge. Directrice du musée de la culture rom, Jana
Poláková raconte la façon dont est née la journée internationale des
Roms :
« Les représentants européens de la communauté rom se sont réunis le
8 avril 1971 à Londres pour le premier congrès de ce type pour les Roms.
Lors de cette rencontre, un drapeau commun a été choisi ainsi qu’un
hymne rom, la chanson Djelen, djelen. Les représentants ont également
décidé d’utiliser d’autres symboles communs, même si les Roms ne
sont pas une ethnie homogène et qu’ils se divisent en de très nombreux
sous-groupes. Cette journée du 8 avril a ensuite été instituée comme
jour de célébration, puis comme la journée internationale des Roms. »
Membre du Conseil gouvernemental pour les affaires de la minorité rom,
Jozef Baláž estime que cette journée offre avant tout l’occasion de
faire découvrir la culture rom. Elle ne règle cependant en rien les
discriminations dont les Tziganes sont les victimes dans l’accès à
l’emploi ou au logement. On l’écoute :
« En ce qui concerne le problème des ghettos roms, j’ai le sentiment
que le problème s’aggrave. En 2006, il avait été établi que 80 000
Roms vivaient dans des localités à forte exclusion sociale.
Aujourd’hui, nous estimons que ce chiffe a massivement augmenté. »
Pour Jozef Baláž, si des fonds européens sont consacrés à la lutte
contre les discriminations, les résultats ne sont guère visibles, car cet
argent finance des administrations plus que des projets concrets. C’est
par exemple le cas pour le problème des écoles dites « spéciales »,
des établissements destinés aux élèves atteint de légers troubles
mentaux dans lesquels les enfants roms sont très souvent envoyés alors
même qu’ils ne sont pas handicapés. Ils en constituent 32% des
effectifs. Régulièrement pointé du doigt par l’Union européenne et
par le Conseil de l’Europe, le gouvernement tchèque étudie actuellement
le dossier, mais Jozef Baláž craint que les mesures envisagées (la
publication des statistiques de scolarisation et le renforcement des
contrôles à l’entrée de ces écoles notamment) ne soient pas assez
ambitieuses. Une pétition ayant recueilli près de 80 000 signatures
appelle à la suppression pure et simple de ces établissements scolaires.
La journée internationale des Roms est par ailleurs un moment rare où
les Tziganes ne sont pas stigmatisés dans les médias comme des voleurs de
poules ou des fainéants vivant luxueusement grâce aux allocations
sociales :
« Malheureusement, ces événements positifs, qui sont nombreux au sein
de la communauté, sont trop peu médiatisés. Il me semble que c’est un
très bon moyen de montrer que les Roms ne sont pas seulement en bas de
l’échelle sociale, qu’ils sont autre chose que des parasites dans la
société. Au contraire, ils ont une culture remarquable, une histoire
remarquable et ils peuvent et veulent être une composante utile de cette
société. »
Le rapport publié le même jour par l’Agence gouvernementale pour
l’intégration sociale va dans le sens des propos de Jana Poláková. Il
dénonce en effet le rôle des médias dans la construction et surtout la
perpétuation de stéréotypes sur la communauté rom. L’étude, qui se
base sur 19 journaux, radios, télévisions et serveurs d’informations,
recense 6 300 informations concernant les Roms entre l’automne 2011 et
mai 2012. Les trois-quarts d’entre-elles parlent de criminalité. Ils
abordent plus rarement le thème du logement et n’évoque presque jamais
la culture, l’histoire et les traditions des populations roms. Peu de
médias se sont fait l’écho de ce rapport sur lequel nous reviendrons
plus en détails dans une prochaine émission de Radio Prague.
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