Bras de fer entre les autorités locales et des habitants d’un ghetto rom
en voie de liquidation
C’est un bras de fer qui oppose depuis samedi la municipalité
d’Ostrava, en Moravie du Nord, et les habitants d’un ghetto rom d’un
quartier de la ville. Appelés vendredi à quitter les lieux dès le
lendemain pour des raisons sanitaires, certains habitants refusent
d’abandonner leur logement.
Vendredi, des fonctionnaires publics, accompagnés de policiers, ont fait
le tour des logements du ghetto de Prednádraží à Ostrava, pour donner
aux habitants issus de la minorité rom les avis d’expulsion des
bâtiments. Une décision prise par la municipalité en raison des
conditions sanitaires dans lesquelles vivent quelque quarante-quatre
familles. Canalisations défectueuses, problèmes d’évacuation des eaux
d’égout, moisissures dues à l’humidité de certains logements
inondés, les problèmes sont nombreux dans ces bâtiments, dont le
propriétaire, Oldřich Roztočil, évoque le mauvais état :
« Je n’ai pas pu faire réparer les canalisations tout seul. Quand
j’ai demandé un devis à une société locale, on m’a répondu que
cela coûterait 20 millions de couronnes. Ce qui n’est pas du tout dans
mes moyens financiers. Je ne sais pas comment je pourrais intervenir sur
des canalisations qui appartiennent à quelqu’un d’autre. Les
autorités locales ne m’ont pas aidé une seule fois, et en plus elles
font de la désinformation dans les médias en disant que les canalisations
sont sujettes à un conflit de propriété, alors que ce n’est pas vrai.
»
En attendant, cela fait des mois que les habitants de ce que l’on ne
peut nommer autrement que ghetto vivent dans des conditions d’hygiène
déplorables. La municipalité, elle, rejette la faute à la fois sur les
fonctionnaires d’Etat responsables et sur le propriétaire des immeubles.
Et, devant le fait accompli, évoque le relogement de certains habitants.
Tomáš Kuřec, maire-adjoint d’un district d’Ostrava :
« Nous avons prévu à temps et à l’avance de reloger toutes les
familles de ce ghetto dans des centres d’hébergement privés. »
Les autorités locales avaient donné aux familles jusqu’à samedi
minuit pour faire leurs bagages. Mais quelque 140 personnes sont restées
dans le ghetto de Prednádraží, arguant qu’elles étaient chez elles et
payaient leur loyer, quand bien même nombre d’entre elles n’ont pas de
contrat de location en bonne et due forme. Pendant le week-end, les
habitants ont même mis la main à la pâte et décidé de réparer
certains des problèmes pointés du doigt dans l’avis d’expulsion. Pour
Kumar Viswanathan, président de l’association Vivre en commun (Vzajemné
soužití), les pouvoirs publics, tant au niveau de l’Etat que de la
municipalité, ont clairement failli à leurs devoirs. Selon lui, le
relogement ne résout rien :
« Ce n’est pas une bonne solution. Evidemment, une partie des habitants
sont prêts à partir, parce que leur vie n’est qu’une suite de
relogements en centres d’hébergement. Ils voient cela comme un nouveau
déménagement auquel ils sont habitués. Mais il y a plusieurs familles de
Roms tchèques qui vivent ici depuis très longtemps, parfois vingt ou
vingt-cinq ans. Ces gens ne veulent pas abandonner leur maison, ils disent
qu’ils ne partiront pas. On leur a dit que l’électricité et le gaz
seront coupés mardi. Ils n’ont plus d’eau courante depuis vendredi,
mais nous leur avons installé une citerne. »
Chargée des droits de l’homme au sein du gouvernement, Monika
Šimůnková regrette que la situation du ghetto de Prednádraží soit
allée si loin :
« Franchement, je pense que cela n’était pas nécessaire. Cette
situation montre bien que si le problème de l’exclusion sociale en
République tchèque n’est pas géré systématiquement dans son
ensemble, on se retrouve dans des cas comme celui-ci. C’est une des pires
variantes, où des familles vont se retrouver dans une situation précaire
dont ils vont difficilement se sortir s’ils se retrouvent en centre
d’hébergement. Il est toujours compliqué de trouver le responsable,
mais d’après mes informations, je pense qu’une grande partie de la
responsabilité revient à la mairie d’Ostrava. Le problème principal,
ce sont les canalisations. La mairie était au courant depuis longtemps, et
en dépit de ses arguments sur les questions de propriété de celle-ci,
elle aurait dû réagir aussi vite que pour l’avis d’expulsion qui a
été expédié. »
Un an après les émeutes de Šluknov dans le nord de la République
tchèque, cette nouvelle affaire montre bien que les localités
défavorisées et les zones d’exclusion sociale restent un problème
persistant dans le pays. Ce lundi après-midi, des fonctionnaires sont à
nouveaux venus contrôler les habitants du ghetto pour les mettre en garde
qu’ils restaient à leurs risques et périls. Toute décision
d’intervention éventuelle a été remise à plus tard dans la semaine.
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