La polémique autour de l’ancien camp rom de Lety continue
Au total environ 5 000 Roms tchèques ont été envoyés dans des camps de
concentration pendant la Deuxième guerre mondiale. 90% d'entre eux y ont
péri. Ce lundi matin, une commémoration officielle des victimes roms de
l’holocauste s’est déroulée à Lety, en Bohême du Sud. La
cérémonie a tout de même été boycottée par plusieurs organisations et
associations rom qui demandent au gouvernement de supprimer la porcherie
industrielle située sur le site de l’ancien camp.
Il y a tout juste 70 ans, le 10 juillet 1942, les autorités nazies
donnaient le feu vert à la persécution de la population rom du
Protectorat de Bohême-Moravie. Cette décision a donné lieu à la mise en
place des « camps tziganes » de Lety et de Hodonín u Kunštátu, ce
dernier étant destiné aux Roms de Moravie. Plus de 1300 personnes ont
été internées à Lety, près de Písek, dans le sud de la Bohême,
depuis l’installation du camp en août 1940 jusqu’en mai 1943. Quelque
327 Roms y ont péri, plus de 500 détenus ont été déportés, sur ordre
d’Heinrich Himmler, depuis Lety à Auschwitz.
Dans son discours, prononcé à l’occasion de la cérémonie de ce
lundi, le Premier ministre Petr Nečas a rappelé :
« Cet acte de piété se déroule à l’emplacement de l’ancien lieu
d’enterrement provisoire, où reposent plusieurs centaines de Roms. Ces
derniers n’ont pas péri dans les chambres à gaz, ils sont morts de la
dysenterie, du typhus, de faim et d’épuisement, dans des conditions
mises en place par les nazis, assistés, ne l’oublions pas, par les
autorités et la police du Protectorat de Bohême-Moravie, donc par des
Tchèques. Ceci est la principale leçon à tirer des événements survenus
il y a 70 ans : il ne faut plus jamais que nos vies soient dominées par
des préjugés racistes. »
Une autre cérémonie de commémoration, organisée, elle, par les
descendants des victimes roms de l’holocauste, se tient à Lety chaque
année au mois de mai, en présence de plusieurs centaines de personnes.
Or, en mai dernier, la chargée des droits de l’homme Monika Šimůnková
a été la seule représentante du gouvernement à y prendre part – un «
malentendu » selon le Premier ministre Petr Nečas, mais qui a suscité
une vive critique de la part des associations roms tchèques. Si ces
dernières ont été nombreuses à boycotter la cérémonie officielle de
ce lundi, c’est aussi et surtout pour dénoncer le fait que l’Etat
n’a toujours pas supprimé la porcherie industrielle, installée à
l’emplacement même de l’ancien camp sous le régime communiste.
Selon le président du Comité pour l’indemnisation de l’holocauste
rom et vice-président du Parti rom de l’égalité des chances, Čeněk
Růžička, le gouvernement, s’il entend respecter la mémoire des
victimes, devrait commencer par démanteler l’édifice.
Depuis deux ans, un mémorial ainsi qu’une exposition permanente en
souvenir des victimes existent donc à Lety, à proximité immédiate de la
porcherie. Après l’installation de ceux-ci, en 2010, Čeněk Růžička
déclarait à Radio Prague :
« Nous sommes satisfaits dans une certaine mesure seulement, parce que
nous savons que la République tchèque n’avait pas d’autre choix que
d’accepter qu’un bâtiment digne de ce nom soit installé près de la
nécropole. Mais la dignité est bien le problème ici. Il n’y a pas de
dignité tant qu’une porcherie nauséabonde continue de fonctionner à
l’endroit même où se situait le camp. J’ai du mal à m’imaginer
qu’une telle porcherie puisse fonctionner près d’un autre camp, par
exemple à
Terezín, ça ne pourrait pas exister plus d’une semaine. »
A l’issue de la cérémonie qui s’est déroulée ce 9 juillet à Lety,
le Premier ministre Petr Nečas a répété ce qu’il avait déjà
annoncé il y a deux ans : le rachat de la porcherie par les autorités
n’est pas à l’ordre du jour, faute d’argent.
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