La porcherie restera sur l'emplacement du camp de concentration rom de Lety
La porcherie industrielle qui se trouve sur l’emplacement de l’ancien
camp de concentration de Lety ne sera ni détruite ni déplacée : c’est
ce qu’a indiqué le Premier ministre tchèque, Petr Nečas, dans un
entretien accordé la semaine dernière au quotidien Lidové noviny, alors
que depuis des années les gouvernements successifs promettent de faire
déménager l’édifice nauséabond. Motif : il n’y a pas d’argent
pour un tel projet, selon Petr Nečas. Radio Prague vous propose
d’écouter la réaction de Čeněk Růžička, dont plusieurs membres de
la famille ont péri à Lety, et qui préside le Comité pour
l’indemnisation de l’holocauste rom :
« Bien sûr, nous sommes indignés par cette décision, parce que nous
avons des parents enterrés là-bas. Mais il fallait s’y attendre,
c’est un gouvernement de droite qui ne s’intéresse pas aux valeurs
morales. Je ne suis personnellement pas vraiment surpris, en revanche ceux
qui ont survécu aux camps de concentration sont beaucoup plus étonnés
par cette décision. Je ne pense pas que ce soit surtout un problème
d’argent. En fait si le gouvernement décidait d’agir, il le ferait
contre l’opinion publique tchèque, qui n’est pas favorable à la
destruction de la porcherie. C’est ça le problème, la frilosité
politique. »
Depuis quelques mois, un mémorial dédié aux victimes est ouvert à
Lety, séparé de la porcherie par quelques arbres. Une étape nécessaire
mais pas suffisante, explique Čeněk Růžička :
« Nous sommes satisfaits dans une certaine mesure seulement, parce que
nous savons que la République tchèque n’avait pas d’autre choix que
d’accepter qu’un bâtiment digne de ce nom soit installé près de la
nécropole. Mais la dignité est bien le problème ici. Il n’y a pas de
dignité tant qu’une porcherie nauséabonde continue de fonctionner à
l’endroit même où était le camp. J’ai du mal à m’imaginer
qu’une telle porcherie puisse fonctionner près d’un autre camp, par
exemple à Terezín, ça ne pourrait pas exister plus d’une semaine. »
Le Parlement européen a déjà demandé à deux reprises aux autorités
tchèques de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître la
porcherie de cet endroit de recueillement. Mais dans le même temps, des
fonds européens ont permis à la société propriétaire de la porcherie
de financer un bassin de décantation. On peut même voir le drapeau
européen sur la grille de la porcherie.
Čeněk Růžička : « Ce sont vraiment des paradoxes et une absurdité
qui font qu’on ne sait plus qui croire. Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Bien sûr, tout soutien de l’étranger serait bienvenu. Personnellement,
je pense que ce serait mieux si la société tchèque dans son ensemble
faisait pression, pas seulement nous les Roms. Des soutiens de
l’étranger et de la société majoritaire : c’est de ça dont nous
avons besoin dans cette affaire. »
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