Jana Horváthová – directrice et cofondatrice du Musée de la culture rom à Brno
La directrice et cofondatrice du Musée de la culture rom à Brno, Jana
Horváthová, est née d’un père rom et d’une mère gadjé.
L’objectif du musée qu’elle dirige est le respect de la tradition de
la culture rom et la reconnaissance de ce peuple. Le musée abrite des
collections précieuses d’œuvres, de bijoux, d’équipements
d’intérieur, de vêtements, d’objets d’art et de besoins quotidiens,
représentant les métiers traditionnels roms. Outre l’exposition
permanente sont organisées des expositions de courte durée et le musée
organise également d’autres activités intéressantes. Il a été fondé
en 1991 à l’initiative d’un petit groupe d’intellectuels roms. Mais
les fondateurs principaux étaient Karel Holomek, Bartoloměj Daniel et
Jana Horváthová. Cette dernière s’est confiée:
« C’est surtout mon père, Karel Holomek, qui a joué un rôle beaucoup
plus important que moi, qui est le vrai fondateur du musée. A l’époque
il était député au Conseil national tchèque, et grâce à sa fonction,
il a réussi à obtenir une subvention pour la création du musée et à
expliquer l’importance de l’existence du musée auprès du ministre de
la Culture, Milan Uhde. Ce dernier a très bien compris l’importance
d’une telle institution et nous a beaucoup soutenus au début. La seconde
personne la plus importante est le premier historien rom Bartoloměj
Daniel. »
De 1969 à 1973, Bartoloměj Daniel, le grand-père, le père et beaucoup
d’autres membres de la famille de Jana ont assumé des fonctions
importantes au sein de l’Association des Tsiganes-Roms, supprimée
pendant la Normalisation car ses statuts étaient incompatibles avec
l’idéologie du projet d’assimilation des Roms. Le père de Jana
dirigeait un atelier de forgerie. L’association caressait déjà
l’idée de fonder un musée et les représentants faisaient la collecte
de différents objets. L’historien Bartoloměj Daniel a réussi à
rassembler une importante documentation sur la forgerie traditionnelle. Les
collections uniques ont heureusement été placées au Musée morave du
pays à Jevišovice, et le Musée de la culture rom de Brno a ainsi pu les
acquérir.
Revenons à la directrice et cofondatrice du musée Jana Horváthová,
née le 22 mars 1967 à Brno. C’est là qu’elle a passé son enfance et
elle vit toujours aujourd’hui dans la capitale de la Moravie. Sa mère,
retraitée désormais, a travaillé comme employée de bureau, et son
père, qui travaille toujours, est ingénieur mécanicien. Jana a
fréquenté une école élémentaire où il n’y avait pas d’enfants
roms. Les Roms étaient considérés comme des gens bêtes et sales. Jana
avait honte de ses origines et faisait tout pour les dissimuler. Ses
parents l’ignoraient car eux-mêmes n’avaient jamais ressenti
d’aversion de la part des Gadjés.
Enfant, Jana avait beaucoup
d’activités extrascolaires. Initiée par son père, ex-représentant de
la Tchécoslovaquie en gymnastique, elle pratiqua ce sport dès l’âge de
cinq ans. Elle était souple mais n’arrivait pas à surmonter la peur
qu’elle avait au moment de monter sur la poutre ou de faire des sauts.
Elle arrêta donc la gymnastique qui lui servit toutefois de bonne base
lorsque, plus tard, elle donna des cours d’aérobic. Elle a également
fait de l’athlétisme, et le sport joue un rôle assez important dans sa
vie puisqu’elle affirme que sans activité physique elle ne peut pas
exister. Pourtant, parmi toutes ces activités, le théâtre prédominait.
Jana Horváthová :
« Dès l’âge de trois ans j’ai ressenti le désir de vivre
d’autres destins, d’incarner d’autres personnages, de vivre à
travers eux. Cela m’attirait et m’attire encore, même si je ne fais
plus de théâtre. A Brno j’étais membre du studio pour enfants du
´Divadlo na provázku´, mais adolescente j’étais gênée. Et puis je
venais d’une famille de dissidents. En 1968, mon père a ouvertement
exprimé son désaccord sur l’invasion de la Tchécoslovaquie par les
troupes soviétiques et il faisait la propagation de la littérature
illégale. Je craignais de ne pas réussir à entrer dans une école aussi
prestigieuse que l’est l’Académie des beaux-arts Janáček. Finalement
j’ai opté pour ma seconde passion, l’histoire. »
C’est son père qui lui a fait découvrir ce domaine. Malgré sa
formation de technicien, il est un grand amateur d’histoire, en
particulier de l’histoire tchèque. La famille faisait le tour du pays,
visitant les nombreux monuments qu’elle trouvait sur sa route. Jana
Horváthová a passé ses examens à la faculté de lettres, filière
histoire. Elle a été très influencée par Vít Slíva, un des poètes
tchèques actuels parmi les plus renommés. Il faisait connaître à ses
étudiants les auteurs interdits, leur donnait des informations réelles et
ses cours étaient de grande qualité. Grâce au professeur Ctibor Nečas,
un des historiens les plus importants de notre époque, Jana s’est rendu
compte qu’elle n’avait aucune raison d’avoir honte de ses origines
roms. Le professeur Nečas publiait des ouvrages sur l’histoire des Roms
et cherchait des étudiants pour coopérer avec lui. Jana n’hésita pas.
Après la Révolution de velours de 1989, Jana Horváthová a participé au
mouvement de l’identification des Roms et à la création de
l’Initiative civique rom à Brno.
Ses études terminées, Jana a commencé à travailler comme lectrice dans
une section détachée du Musée de la ville de Brno et à donner des
conférences dans les écoles. Après quelques mois, le docteur Emil
Ščuka l’a initiée à venir à Prague au Comité central de
l’Initiative civique rom comme secrétaire pour la culture et
l’éducation. Mais la politique n’était pas vraiment sa tasse de thé
et, trois mois seulement plus tard, Jana revint à Brno où, au printemps
1991, elle a commencé avec un petit groupe d’intellectuels roms à
fonder le Musée de la culture rom dont elle est actuellement la
directrice.
Jana est mariée, elle a deux filles et son mari est l’un des rares Roms
qui a fait des études de médecine. Il est chirurgien en cardiologie et
travaille au Centre de transplantation et de la chirurgie cardiovasculaire
à Brno. Et c’est Jana Horváthová qui nous explique comment elle arrive
à marier sa fonction de directrice, de mère et d’épouse.
« C’est difficile, parfois c’est de la folie, mais j’ai des
grand-mères, surtout la mienne. C’est une femme gardienne à plein
temps. Pendant trois ans j’étais en congé maternité mais c’est elle
qui a éduqué ma fille aînée et s’occupe de la cadette qui a dix ans.
Sans l’aide des grands-mères je ne pourrais pas assumer la fonction de
directrice. »
Depuis le 1er janvier 2005, le Musée de la culture rom est chapeauté par
le Ministère de la culture qui octroie à l’institution des subventions
destinées à sa gestion. Malgré tous ces efforts, l’argent manque
toujours et la direction du musée s’efforce d’obtenir des subventions
à travers différents projets. Cette année, au plus tard l’année
prochaine, un premier projet européen sera mis en œuvre. En coopération
avec la chaire de religion de l’Université Masaryk, partenaire du Musée
de la culture rom, il s’agira entre autres d’un projet de formation des
enseignants et de rédaction de livres scolaires. Une demande de
subventions de l’UE est également un projet futur.
|
|