La question rom en débat - partie 1
Aussi bien les violences de Litvínov que la décision appliquée depuis
une quinzaine de jours par la municipalité de Chomutov de supprimer les
allocations sociales aux personnes qui ne paient pas leurs loyers et leurs
factures ont montré la situation préoccupante de la population rom.
Dans un entretien avec Mathieu Plésiat, qui vient de terminer une thèse
de sociologie consacrée aux Roms, Radio Prague a cherché à comprendre la
situation des Roms. D’après ce chercheur en sciences sociales, il faut
remonter cinq siècles en arrière pour expliquer la situation des Roms, au
moment où commencent les persécutions contre les Tsiganes : les Etats
européens n’ont pas réussi à accepter l’existence de groupes nomades
avec des traits culturels propres. Au contraire, ces Etats ont sans cesse
nié ces groupes tsiganes et les ont considérés comme un problème à «
résoudre », voire à éliminer. Pour Mathieu Plésiat, ce sont ces
persécutions qui forment la base de l’identité des Roms :
« Les Roms forment un groupe de personnes qui ont subi des
discriminations depuis cinq siècles en Europe et je pense que c’est le
fruit de cette perpétuelle négation de la part des pouvoirs publics qui
fait que le Rom existe en tant quel tel, en tant que groupe. Certes, les
linguistes ont trouvé dès le XVIIIe siècle des origines indiennes, mais
je crois que ce qu’il y a de plus pertinent est cette forme
d’adaptation aux formes d’exclusion. On peut dire qu’il a toujours
existé une « question tsigane » qui a été formulée aux XVIe et VXIIe
siècles, à peu près au même moment dans les Etats européens.
C’était la question de groupes de familles nomades, qui ne se
confondaient pas avec des vagabonds, et cette question posait problème aux
pouvoirs publics. C’est à partir de ce moment-là que des politiques se
sont mises en place pour essayer de « résoudre le problème tsigane ».
Les Tsiganes ont toujours été au cœur des préoccupations des
différents régimes et les politiques ont varié toujours sur le même
thème, celui de la négation des populations tsiganes. La question des
Roms, « la minorité Roms », est apparue réellement à partir des
années 90, en raison de nouvelles conditions démocratiques, aussi en
opposition au modèle assimilationniste communiste, c’est-à-dire qu’on
a valorisé dans les années 90 une politique d’intégration de groupe,
multiculturaliste. »
Comme le montrent les événements récents survenus en Bohême, les Roms
semblent souffrir de racismes, de discriminations et de préjugés
importants ?
« Les Tsiganes, en effet, jouent le rôle de bouc émissaire parfait, ils
représentent l’étranger absolu. Les mots les plus bruts et les plus
crus pour parler des Tsiganes sont souvent ceux de « parasite », que
j’ai pu aussi entendre en France ou en Espagne pour parler des « gitans
» : en République Tchèque, ils symbolisent vraiment l’étranger
absolu, celui qui vient, qui prend, qui profite et qui souille. Les
Tsiganes font l’objet de racisme et de xénophobie parce qu’ils sont
parfaitement utilisés dans le discours de l’extrême droite qui utilise
le thème de l’altération de l’identité, de l’unité, une sorte de
pureté. C’est l’essence du discours d’extrême-droite de parler
d’altération. Dans les discours d’extrême-droite, on voit souvent que
les Tsiganes sont présentés comme des immigrés inadaptables, comme des
parasites qui viennent et qui prennent. Les Tsiganes cristallisent le
ressentiment des gens, ressentiment qu’instrumentalise à souhait le
discours d’extrême droite ».
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