Camp de Lety u Pisku: la polémique sans fin utilisée à des fins électorales
A nouveau cette semaine, Lety u Pisku a fait l'objet de l'attention de tous
les médias du pays. C'est dans le camp de concentration situé sur la
commune de Lety, près de Pisek comme son nom l'indique, à 80 km de Prague,
que furent internées plus d'un millier de personnes, en grande majorité des
Roms, avant d'être déportées vers Auschwitz ou Buchenwald, et que plusieurs
centaines d'entre elles sont décédées, de maladies, épuisements ou mauvais
traitements.
La raison pour laquelle le camp de Lety est revenu ces jours-ci sur le
devant de la scène médiatique est en grande partie due à la stratégie de
communication d'un groupuscule d'extême droite, Narodni Strana (Partie
National), et à son ambitieuse présidente, Petra Edelmannova.
Et force est de constater que la stratégie s'est avérée payante. En même
temps que le lancement de sa nouvelle radio, « Radio Patrie », Petra
Edelmannova a annoncé que son parti avait fait déposer une pierre de
quatre tonnes avec l'inscription « Aux victimes », à proximité de l'ancien
emplacement du camp, donc à proximité de la porcherie industrielle
construite à cet endroit dans les années 1970. Venant d'une formation
d'extrême droite, quelques jours avant la Journée internationale de la
mémoire de l'Holocauste, la pierre déposée a provoqué de nombreuses
réactions et a fini par être dégagée jeudi dernier.
Cela n'a pas empêché une poignée de militants du Parti national de se
réunir samedi dernier pour brandir des pancartes contre le déplacement de
la porcherie, et réclamer que l'argent de l'Etat soit alloué « aux enfants
» plutôt que d'être consacré à racheter le terrain pour en éliminer cet
élevages de porcs qui commence sérieusement à ternir l'image du pays à
l'étranger.
La semaine dernière, le débat sur le camp de Lety a de nouveau été évoqué
au Parlement européen, où une exposition sur ce camp a été présenté par
Karel Holomek, président de la Société des Roms de Moravie.
Samedi matin, peu avant l'arrivée des militants d'extrême droite, Karel
Holomek était venu se recueillir devant le petit monument inauguré en 1995
par Vaclav Havel. Avec lui, d'autres représentants de la communauté rom
étaient venus faire acte de présence, soutenus par quelques personnalités,
comme le sociologue Fedor Gal, qui a expliqué les raisons de sa venue à
Radio Prague :
« Je suis né dans un camp de concentration, je sais ce que représente ce
lieu. A la différence de Terezin, où je suis né, il y a ici cette immense
porcherie. Cela me gêne, et cela porte atteinte au souvenir des personnes
décédées ici. Je viens ici depuis une dizaine d'années, donc cela paraît
normal d'être ici aujourd'hui. »
Et lorsqu'on demande à Fedor Gal pourquoi selon lui la République tchèque
ne parvient pas à régler la question de Lety une bonne fois pour toutes,
il se montre malgré tout optimiste :
« Je ne crois plus les politiciens. Pour eux, Lety ne représente qu'un
argument électoral. Depuis dix ans que je viens ici, j'ai entendu des tas
de discours de représentants de différents partis et rien ne s'est
produit. Mais je crois que les citoyens vont tout faire pourchanger la
situation. Il y a ici des gens qui négocient à Bruxelles, qui négocient
avec la partie allemande et les associations citoyennes et je suis
persuadé que d'ici deux ou trois ans, la porcherie ne sera plus ici. »
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