Le XXe siècle vu par une femme rom
Un témoignage et un regard hors du commun sur les turbulences du XXe
siècle. C'est ainsi que l'on pourrait qualifier le livre qui paraît, ces
jours-ci, dans les librairies tchèques et qui offre des récits de deux
femmes roms, des septuagénaires toutes les deux, sur leur vie et sur celle
de leurs familles. L'une d'elles, Elina Machalkova, s'est confiée à Radio
Prague.
« Je conte dans ce livre la vie de ma famille, depuis la naissance de mes
arrière-grands-parents. Je pense qu'elle le mérite bien, car c'est une
famille extraordinaire. Je peux dire que, dans un certain sens, c'était
une famille exceptionnelle, car très adaptée à la société majoritaire.
J'espère que j'ai écris leur histoire ainsi que la mienne d'un coeur
sincère et plein d'amour. J'ai tenu notamment à dire que l'instruction a
toujours joué un grand rôle dans notre famille. La preuve - ma fille aînée
et l'une de mes petites-filles sont institutrices. Après la fin de la
Deuxième Guerre mondiale, moi-même, j'ai voulu faire des études
universitaires, mais - au déplaisir de mon père - j'ai finalement préféré
m'occuper de mes enfants...Je peux donc dire que l'éducation a toujours
compté pour mes grands-parents, pour leurs enfants et pour nous-mêmes ».
Elina Machalkova habite la commune de Nesovice, en Moravie. C'est non loin
de là, dans un camp près de la ville de Hodonin que fut interné, pendant la
guerre, son grand-père avant d'être déporté vers Mauthausen. A l'époque,
Elina avait quatorze ans :
« Nous n'en savions pas grand-chose. Ce n'est qu'après la guerre que nous
avons révélé toute la vérité. C'étaient des choses dont il était interdit
de parler. En plus, les gens avaient peur de parler. Notre famille était
persécutée, on souffrait de la faim, on n'avait pas le droit de s'éloigner
plus de vingt kilomètres de notre village. Le pire, c'était d'être menacé
par la déportation vers un camp de la mort. C'était terrible, on avait
tout le temps peur. Mais nous avons survécu, grâce surtout au soutien de
l'ensemble de la commune et de son maire... Mais force m'est en même temps
de constater que parmi les Tchèques, il y avait aussi des traîtres, des «
Judas ». C'est le cas de Karel Hasler, très populaire compositeur de
chansons tchèque, qui l'illustre parfaitement. Un jour, lorsqu'il se
trouvait dans une auberge, dans un village tchèque, il chantait sa version
« actualisée » de l'une de ses chansons très connues. Dénoncé, la gestapo
l'a arrêté le lendemain et envoyé à Mauthausen d'où il n'est plus revenu
».
Quelques mois avant la fin de la guerre, Elina Machalkova a échappé de
justesse à la stérilisation. Elle s'en souvient :
« En août 1944, j'avais dix-huit ans. J'ai alors appris que la gestapo de
Brno voulait m'obliger à la stérilisation. « Il faut stopper la
procréation des tziganes », déclarait-elle. On ne peut pas savoir ce que
je ressentais. Je pleurais, j'avais déjà un financé, c'était mon futur
mari. Je travaillais, à l'époque, dans une usine à Austerlitz, près de
Brno. Son directeur m'a dit : « mais tu ne vas quand même pas te laisser
stériliser maintenant, quand les Allemands commencent à perdre et à fuir.
Il vaut mieux que tu te caches ». Et c'est ce que j'ai fait. Une tante m'a
amenée à Olomouc, chez sa mère qui avait plus de soixante-dix ans. C'est
dans la cave de sa maison que j'ai passé six mois, jusqu'à la fin de la
guerre... C'est ainsi que je me suis sauvée de la stérilisation. Il va de
soi qu'après cette expérience, j'ai voulu avoir beaucoup d'enfants et j'en
ai, effectivement, quatre ».
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