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Juliette Jourdan : « La violence contre les Roms, c’est le premier maillon démocratique qui saute » 20-11-2009 Anne-Claire Veluire
La ville d'Amiens, en Picardie, organise cette semaine la 29ème édition
de son festival international de cinéma. Fictions, films d'animations,
documentaires, toutes sortes de films sont proposés, qui sont des films
plutôt issus d'un cinéma d'auteur ou indépendant. Parmi eux, le
documentaire 'Etrangers de l'intérieur' de la jeune réalisatrice Juliette
Jourdan, qui s'est intéressée à la situation des Roms en République
tchèque.
« C'est mon premier film qui s'est fait bon gré mal gré, et au gré de
cette aventure puisque quand je suis allée en République tchèque, il y
avait ce mur qui se construisait le long d'un ghetto, à Ustí nad Labem.
C'était fin 1999. Je cherchais une idée de film et c'est devenu le sujet
de mon film. L'idée était de comprendre pourquoi il y avait un mur entre
ces gens et les autres ; un mur physique et évidemment un mur symbolique.
L'idée était d'interviewer des familles, des individus. On a fait une
quinzaine d'interviews pour dessiner un peu ce que voulait dire être
tsigane aujourd'hui en République tchèque, dans toute l'Europe
post-communiste, et finalement, dans toute l'Europe. »
Assistée de Saša Uhlová, la fille du célèbre ancien dissident Petr
Uhl, qui a par ailleurs toujours été très engagé pour la défense des
droits des minorités roms dans son pays, Juliette Jourdan a pu s'intégrer
dans ces familles et écouter, tout simplement, ce qu'ils avaient à dire.
« L'idée, c'était vraiment de choisir les gens, certes parce qu'ils
sont roms, mais surtout parce qu'ils sont surtout très intelligents. Ils
ont une vision de leur vie, de la société, du monde qui est très
pertinente et qui apprend beaucoup à tout le monde. Les murs sont une
problématique qui est universelle et les Roms ont beaucoup de choses à
dire sur la citoyenneté, sur l'égalité, sur la liberté, sur tout. Et il
est vrai que dans ce film, on parle de tout. On parle autant du communisme
que de la guerre ou de la drogue. »
La situation en République tchèque ne s'est pas franchement améliorée
depuis l’époque où Juliette Jourdan avait commencé son film, il y a
maintenant dix ans. La présence des extrémistes de droite, que ce soit
dans les rues des villes tchèques ou sur les scènes politiques locales et
nationales, connaît un certain regain. Une situation que suit
naturellement la jeune réalisatrice :
« Il est vrai que je vois beaucoup de flambée raciste. Je le vois en
France, et je le vois évidemment en Hongrie, en République tchèque et en
Autriche où se sont produits des évènements cet été. C'est partout,
avec les Roms, c'est vraiment le premier maillon démocratique qui saute.
C'est vraiment très inquiétant, parce qu'à chaque fois, on recommence.
Ce sont des cycles, et les cycles reviennent à chaque fois. Et on a beau
essayer de mettre des garde-fous, la démocratie donne presque toujours
naissance à ces cycles infernaux de racisme, et qui mènent parfois à des
choses aussi dramatiques qu’il y a soixante ans, qui sont des génocides.
Et là, on est au XXIe siècle, on est en 2009, et il va falloir qu’on
choisisse si on veut recommencer comme au XXe siècle, ou si on ne veut pas
que ça recommence. Parce que pour les Roms, ça peut recommencer demain.
»
Juliette Jourdan n’a pas encore eu l’occasion de présenter son film
en République tchèque, mais elle espère pouvoir le faire prochainement,
notamment dans le cadre du festival du film documentaire sur les droits de
l’Homme, Jeden Svět.
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