Les médiateurs sociaux, une solution face à la fracture sociale
grandissante ?
De récentes enquêtes sociologiques ont souligné l’aggravation de la
fracture sociale en République tchèque. Ce fossé entre une tranche de la
population socialement intégrée et favorisée et une autre composée
d’exclus est de plus en plus large dans les villes. Les troubles
récents, et notamment les manifestations anti-Roms en Bohême du Sud, ont
conduit les autorités à renforcer le dispositif de déploiement des
médiateurs sociaux dans les zones socialement exclues.
L’écart social qui se creuse dans les villes est à la source de
tensions de plus en plus intenses. A ce sujet, le sociologue Jan Keller
s’inquiète de la polarisation croissante de la société tchèque en
trois couches bien distinctes. Il identifie ainsi des individus riches qui
ont assez de ressources pour s’installer en dehors de la ville ou bien
qui achètent des appartements chers dans le centre, où ils se sentent en
sécurité. D’autre part, certains individus vivent pour la deuxième ou
troisième génération dans des cités délabrées : ils sont au chômage
avec un taux de pauvreté élevé et dans une situation désespérée.
Entre ces deux catégories, la classe moyenne navigue avec des espoirs
d’ascension sociale de plus en plus minces.
Mais toujours selon Jan Keller, ce constat doit prendre en considération
les distinctions régionales. La situation est plus tendue en Bohême du
Nord, dans la région d’Ostrava en Moravie-Silésie, et enfin à České
Budějovice, en Bohême du Sud, où les conflits sociaux ont connu une
escalade cette année.
Les événements récents ont d’ailleurs conduit une partie des
municipalités à faire appel à des médiateurs sociaux pour aider les
forces de la police dans les zones socialement exclues et mener une action
préventive pour pacifier les relations dans l’espace public local.
Le ministre de l’Intérieur Martin Pecina souligne le rapport
privilégié qu’ont les intervenants avec leur lieu d’intervention :
« Ce sont des gens qui viennent de cet environnement troublé. Il y aussi
des Roms, ce sont des gens qui connaissent les problèmes de ces
localités. »
Le quartier de Máj à České Budějovice est au centre de l’attention
depuis la fin du mois de juin. Avant d’être instrumentalisé par
certains groupes d’extrême droite et de prendre un ton ouvertement
raciste, l’objectif initial du rassemblement à České Budějovice
était d’améliorer la vie en commun dans le quartier. Comme dans la
majeure partie des villes tchèques, la source principale des tensions
sociales est la précarité économique et sociale d’une grande partie
des habitants, qui sont privés des services publics de base (hôpitaux,
écoles) et touchés par la dégradation des moyens de transport.
Le maire de České Budějovice, Juraj Thoma, explique comment la
sélection des médiateurs se déroule :
« Il y a un professionnel qui s’occupe de la protection sociale et
juridique des enfants et un bureau de travail qui est chargé
d’identifier les moyens pour pouvoir faire valoir les droits des
communautés majoritaire et minoritaire. »
Les candidats aux postes doivent remplir un questionnaire et soumettre une
lettre de motivation. Mais la condition sine qua non est la connaissance
des problèmes locaux. Il faut également que la personne en question
n’ait pas été condamnée pour une infraction et n’ait pas été
poursuivie en justice les trois dernières années. C’est sur ce dernier
point que plusieurs candidats ont échoué.
Le rôle des médiateurs est primordial mais l’augmentation des conflits
locaux, malgré leur caractère social inquiétant, ne peut en aucun cas
être comparée à la situation dans les banlieues parisiennes ou
londoniennes.
Jan Keller s’efforce en effet de nuancer un constat de prime abord
alarmant :
« Nous avons surtout des petites villes, pas des métropoles de plusieurs
millions d’habitants. La désintégration sociale ne progresse pas aussi
vite que dans les grandes villes. »
Alors que le Service de renseignement de sécurité (BIS) a publié un
rapport selon lequel le sentiment anti-Roms manifesté par la population
est plus préoccupant que les activités de l’extrême droite, le rôle
de la médiation entre les différentes catégories de population est donc
primordial non seulement pour prévenir les troubles sociaux mais aussi
afin de favoriser le dialogue entre les différentes catégories de la
population. L’appellation de médiateurs sociaux devrait ainsi peut-être
modifiée en ce sens, puisque le titre de leur poste se limite, en
tchèque, à celui « d’assistant de prévention de la criminalité ».
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