Les renseignements tchèques s’inquiètent du racisme anti-rom
Dans sa dernière publication trimestrielle sur l’évolution des
mouvements extrémistes en République tchèque, le Service de
renseignement de sécurité (BIS) s’inquiète du racisme anti-rom dans la
société tchèque. Après les affrontements violents survenus dans
plusieurs villes du pays et notamment à České Budějovice, le rapport
fait état du danger que représente la montée de ce sentiment
d’intolérance dans la population tchèque dans son ensemble et pas
seulement chez les activistes d’extrême-droite.
Des risques de pogroms contre les populations rom en République tchèque ?
C’est ce que craint le sociologue Fedor Gál dans un entretien sur le
site ihned.cz. Il y dénonce une atmosphère de plus en plus pesante,
établissant un parallèle avec les décennies 1920 et 1930, où le moindre
incident mineur peut être l’étincelle déclenchant une mobilisation
haineuse contre un groupe entier de personnes, en l’occurrence les
Tziganes.
A České Budějovice, la capitale pourtant calme de la Bohême du Sud,
une banale altercation entre des enfants a été à l’origine de
plusieurs manifestations anti-rom après que les parents s’en sont
mêlés. Plusieurs samedis de suite, des centaines de personnes se sont
rassemblées sur la place de la ville et ont ensuite rejoint le quartier
populaire de Maj où vivent de nombreux Roms pour en découdre. Interrogé
par la Télévision publique, Roman Kryštof, qui a par le passé
conseillé l’Agence gouvernementale pour l’intégration sociale, pointe
du doigt la diffusion dans la société d’un modèle de compréhension
des conflits sociaux basé sur une approche ethnique des protagonistes :
« Je pense que l’une des erreurs de base a été jusqu’à présent
cette espèce de banalisation à travers les médias et diverses
institutions de ces conflits de voisinage, sachant que ce genre
d’incidents se retrouvent partout et tout le temps. Ces conflits sont
partout mais ils n’ont pas toujours été présentés sous cet angle
ethnique. Les gens les ressentent autrement quand ils apparaissent sous ce
visage soi-disant ethnique. »
Cette même Agence gouvernementale qui publiait récemment un rapport
critiquant le traitement médiatique des communautés rom. Les journaux
télévisés des chaînes privées Prima et Nova font par exemple leurs
choux gras des faits divers les plus larmoyants et/ou choquants et filment
avec un appétit insatiable les conflits opposant des pauvres entre eux.
Le Service de renseignement de sécurité, à travers son rapport
trimestriel sur l’évolution des extrémismes, est préoccupé par les
conséquences de cette atmosphère lourde et note ainsi que le gros des
troupes des rassemblements anti-rom, de České Budějovice et
d’ailleurs, était formé non pas de néo-nazis mais bien de citoyens «
lambda ». Moins organisés, plus imprévisibles et plus difficilement
identifiables, ces mouvements spontanés seraient susceptibles de se
radicaliser et donc plus dangereux que l’activisme d’extrême-droite.
Roman Kryštof partage ce constat mais rappelle qu’il ne date pas
d’aujourd’hui :
« Ce constat a déjà été formulé dans les dépêches des
renseignements que j’analysais en tant que spécialiste pour l’Agence
gouvernementale pour l’intégration sociale, il y a deux ans, lors des
manifestations de Varnsdorf au nord de la Bohême. Il n’était pas
possible de jeter la faute sur des groupes néo-nazis organisés mais cela
était manifestement lié à l’humeur générale de la société. Et cela
peut avoir des conséquences bien plus dangereuses qu’avec des groupes
néo-nazis organisés. »
Ces groupes d’extrême-droite qui pourraient profiter de ces
manifestations pour attirer vers eux de nouveaux sympathisants. C’est le
cas par exemple du parti fascisant des ouvriers pour la justice sociale
(DSSS). Les services de renseignements citent le défilé du 22 juin à
Duchcov au nord de la Bohême qui a réuni environ 500 membres de cette
formation et 500 autres personnes non-affiliées. A České Budějovice,
où ce parti aurait tenté de se joindre aux manifestants, l’opération
de séduction n’aurait pas été suivie d’effets.
Lors de son intronisation, le président de la République, Miloš Zeman,
faisait de la lutte contre l’extrémisme de droite un des axes principaux
de sa politique, appelant à un renforcement du dispositif répressif à
son encontre. Il serait peut-être temps également qu’une réflexion
s’engage sur le traitement médiatique sensationnaliste et
décontextualisé de l’actualité touchant les populations rom.
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