Manifestation anti-Roms : l’adolescent prétendument agressé a menti
Le garçon de 15 ans qui avait prétendu, en avril dernier, avoir été
agressé par trois personnes d’origine rom, a avoué à la police avoir
menti et qu’il s’était blessé tout seul. Son témoignage initial
avait entraîné d’importantes réactions à Břeclav, petite ville de
Moravie du Sud de 25 000 habitants. Pour manifester leur soutien à la
victime amputée d’un rein suite à l’accident et à sa famille, mais
aussi afin de revendiquer plus de sécurité, 2 000 habitants de la ville
avaient ensuite manifesté contre la communauté rom dans le centre de
Břeclav.
Un mois plus tard, la vérité est tout autre, comme l’a confirmé la
police mercredi après avoir fait passer le garçon au détecteur de
mensonge. A l’origine, celui-ci avait affirmé, d’abord à sa mère
puis aux enquêteurs, avoir été attaqué par trois Roms parce qu’il
n’avait pas la cigarette que ceux-ci lui réclamaient. Chef de
l’enquête, Luděk Blahák donne la version réelle des faits :
« Le garçon s’est donné en spectacle devant ses camarades, dont deux
filles. Cela s’est passé au huitième étage d’un immeuble. Il a
grimpé sur la rambarde, s’y est suspendu pour effectuer une figure
acrobatique, puis il a chuté. Il s’est blessé en heurtant la rambarde
située un étage plus bas. Trois témoins, trois personnes du même âge
que la victime de l’accident, assistaient à la scène. La vérité est
que le garçon a eu peur de dire à sa mère ce qui s’était passé. Il a
eu peur de sa réaction. »
Son témoignage initial avait néanmoins fait naître une importante vague
d’émotion et de solidarité mais aussi de haine contre la communauté
rom de Břeclav, dont le nombre de membres est estimé à 500. Surtout,
sur la base de ce seul faux témoignage, 2 000 personnes avaient répondu
favorablement, un dimanche de fin avril, à un appel du Parti ouvrier de la
Justice sociale, un parti d’extrême droite, à manifester leur colère
dans le centre-ville. Des slogans tels que « La mairie dort pendant que
les Tsiganes tuent » ou « Stop à la terreur tsigane » étaient alors
apparus dans la foule (cf.
http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/incident-de-breclav-2000-habitants-de-la-ville-suivent-les-extremistes-et-manifestent-contre-les-roms).
Maire de Břeclav, Oldřich Ryšavý, s’efforce d’expliquer comment
cette affaire a pu aboutir à un tel résultat :
« La situation à Břeclav est délicate. Il existe des tensions
sociales, c’est évident. Nous comptons parmi les régions tchèques les
plus pauvres, à la frontière de trois pays avec la Slovaquie et
l’Autriche. Nous sommes un carrefour, le premier arrêt pour les gens en
provenance de Slovaquie et des Balkans. Je ne peux pas nier qu’il y
existe une petite criminalité et que le sentiment d’incertitude
existentielle des gens dans l’ensemble de la région est relativement
fort. »
Suite à la manifestation, un certain nombre de voix se sont élevées
pour critiquer la municipalité, accusée d’avoir autorisée sa tenue.
Mais pour Oldřich Ryšavý, en colère contre les médias pour leur
traitement de l’affaire, il s’agit là sinon de désinformation, au
moins de « malinformation » :
« Nous avons été placés devant le fait accompli : à savoir que la
manifestation se tiendrait quoiqu’il arrive. Même si nous l’avions
interdite, le Parti ouvrier serait venu. Notre réaction a donc été de
prendre toutes les mesures de sécurité possibles pour éviter les
incidents. La police a tout mis en œuvre pour qu’il n’arrive rien aux
gens, quelle que soit la couleur de leur peau. Ce mercredi, j’ai discuté
avec les chefs de la communauté rom de Břeclav et je leur ai demandé de
garder la tête froide. Ils ont promis de le faire. Nous faisons tout ce
que nous pouvons pour que Břeclav soit une ville calme et sûre. »
Si Břeclav ne s’est sans doute pas transformée en une ville totalement
calme et sûre depuis, la tension régnante en avril semble néanmoins
s’y être quelque peu apaisée. Et l’aveu de mensonge fait mercredi par
le jeune garçon pourrait amener certains des habitants de la ville à
réfléchir au bien-fondé de leur participation à la manifestation
anti-Roms. C’est du moins ce qu’espère le maire :
« C’est assurément comme une catharsis. Certaines personnes vont
probablement avoir un gros mal de tête. Mais ce qui serait souhaitable
également, c’est que la famille réagisse et s’adresse à la
population. Je vais rencontrer la maman du garçon et c’est ce que je
vais lui demander de faire. La décision ne dépend que d’elle, mais je
pense que cela pourrait l’aider à se remettre du choc moral qu’elle
est en train de vivre et cela aiderait aussi la population de Břeclav. »
Dès ce jeudi, la mère a présenté ses excuses à l’ensemble de la
communauté rom de Břeclav. Elle a affirmé ne pas comprendre pourquoi son
fils ne lui avait pas dit la vérité, précisant que si elle l’éduquait
strictement, il n’était victime d’aucun mauvais traitement. Avec une
lettre d’excuse, elle a également rendu les 4 000 euros qui lui avaient
été versés par le chanteur Michal David pour la rééducation de son
fils. Celui-ci avait organisé à Břeclav, samedi dernier, un concert de
bienfaisance en sa faveur.
La police, de son côté, a classé l’affaire, aucune agression ne
s’étant produite. Des poursuites judiciaires pourraient toutefois être
engagées contre le garçon pour faux témoignage, comme contre les trois
témoins de l’accident qui sont restés muets. L’Association des Roms
de République tchèque a, elle, accepté les excuses de la mère du
garçon. Elle envisage néanmoins de porter plainte pour sous-estimation de
haine raciale.
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