Retour du Canada difficile pour les Roms de Vimperk
En 2007, le Canada a de nouveau levé l’obligation de visas imposée aux
ressortissants tchèques. S’ensuivit, comme dans les années 1990, une
vague d’émigration des Roms tchèques, qui ont été des milliers à
demander l’asile aux autorités canadiennes. Peu d’entre eux ont
réussi à l’obtenir et la grande majorité a été expulsée après
s’être vue refuser ce statut. Le retour en République tchèque a été
difficile pour beaucoup, comme pour les Roms de Vimperk, qui avaient été
nombreux à vouloir vivre le rêve canadien.
Vimperk: une petite ville d’environ 8000 habitants située dans la
région de la Šumava, à quelques kilomètres des frontières allemande et
autrichienne. Comme toute la région des Sudètes, Vimperk a été vidée
de sa population allemande au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La
ville est donc aujourd’hui en très grande majorité habitée par des
Tchèques, mais aussi par une petite communauté rom. Quelle est la taille
de cette communauté ? Une question à laquelle il est difficile de
répondre, même pour Bohumil Petrášek, l’adjoint au maire de Vimperk :
« Chez nous, lors du dernier recensement, il n’y a que quatre ou cinq
citoyens qui se sont déclarés comme Roms. Tous les autres se sont
déclarés comme Tchèques. Néanmoins, je dirais qu’il y a environ une
centaine de Roms ethniques qui vivent de manière permanente à Vimperk.
Les problèmes que nous avons avec la communauté rom sont principalement
liés avec ceux qui sont arrivés ici d’autres régions et de Slovaquie
d’où ils sont partis pour des raisons sociales ou économiques. »
David Lací a 28 ans, il avait décidé de partir au Canada avec sa femme
et ses deux enfants. Aujourd’hui il est en train de faire des travaux sur
un des canaux de la ville avec son frère et son oncle :
« C’était à la fin de l’année 2007, notre immeuble a brûlé, on a
commencé à avoir peur. Quelqu’un a mis le feu et on ne sait toujours
pas qui c’était. Tout ça s’est fait très rapidement, on a entendu
que le Canada avait ouvert ses frontières, on a mis de l’argent de
côté et on est parti immédiatement. »
A Toronto, ils étaient une quarantaine de Roms originaires de Vimperk.
« Nous ne pensions pas que ça allait se passer comme ça là-bas. On
croyait qu’on allait être attendus et aidés. Nous avions surtout peur
de la barrière de la langue. Là-bas ce n’est pas ce que les gens
croient, qu’en arrivant vous allez tout recevoir. On a été aidé pour
le logement mais c’est tout, après il faut travailler, s’occuper comme
partout. »
« Nous n’avons pas décidé de rentrer de notre plein gré. Nous sommes
passés devant le juge, qui nous a refusé le statut de réfugié et nous
avons été expulsés. Nous n’étions pas enthousiastes à l’idée de
rentrer. Les enfants ne voulaient pas partir, ils avaient tout là-bas.
L’environnement et le niveau de vie sont différents là-bas et ça va
prendre du temps pour que ça s’améliore ici. Là-bas il n’y a pas de
différences entre les gens, de différences entre Blancs, Noirs,
Pakistanais ou Afghans, homosexuels. Là-bas c’est différent. »
Le retour a été compliqué pour les Roms de Vimperk. Avant de partir, la
majorité d’entre eux étaient locataires d’appartements appartenant à
la municipalité et leurs contrats n’avaient pas été résiliés avant
le départ. Le retour a donc souvent rimé avec dettes. Bohumil Petrášek,
adjoint au maire de Vimperk :
« Je pense que les Roms de Vimperk se sont laissés attirer par la
perspective d’une vie facile au Canada. Ils ont cru qu’on allait les
prendre en charge là-bas, qu’ils allaient toucher des allocations sans
devoir travailler. Quand ils ont vu quelle était la réalité, ils sont
presque tous rentrés. Mais malheureusement pendant leur séjour, certains
n’ont pas payé leur loyer ici, donc le contrat a été résilié.
Maintenant il leur faut habiter chez des amis ou des voisins et ils n’ont
pas pu récupérer leur appartement. »
C'est le cas également de David Lací :
« Je dirais que certains d’entre nous se sont mis dedans tous seuls. Je
vais le dire franchement : ils n’ont pas rendu l’appartement avant de
partir. Dans mon cas, je n’ai pas pu rentrer dans mon logement. En
partant, j’avais fermé l’appartement, mais une autre famille a forcé
la porte pour y habiter sans payer et comme il était encore à mon nom,
j’avais une dette importante et n’ai pas pu réemménager dedans. »
L’ajoint au maire de Vimperk concède que la ville n’a pas de
politique d’intégration proprement dite mais seulement des programmes
d’aide à l’embauche qui se révèle peu efficaces.
« La plupart des Roms tentent de s’intégrer dans la société et de
travailler. Ceux avec lesquels nous avons en général des problèmes sont
ceux qui n’ont pas de travail et ne payent pas leur loyer et leurs
factures. Mais selon moi le gros problème est la prostitution rom, quand
certains d’entre eux ne vivent que de l’argent que leur rapporte la
prostitution. »
David Lací, son frère et leurs familles ne voient pas d’avenir pour
eux à Vimperk et concèdent être excédés par le comportement de
certains Roms. Ils sont aussi énervés par le racisme quotidien. Les
regards, les attitudes... Surtout, on ne les laisse pas entrer dans
certains établissements, ce que la serveuse d’un restaurant nous a
confirmé – « Individuellement peut-être, mais pas en groupe, vous
comprenez... ». Bref, David ne sait pas encore où, mais il veut partir :
« Si je pouvais, je prendrais l’avion immédiatement. A cause de tout.
D’abord à cause du travail, c’est la principale raison pour laquelle
on est parti au Canada. Ici il n’y a pas de boulot. C’est ce qui nous
oblige à partir, y’a rien ici. Surtout, je ne vois pas d’avenir pour
mes enfants ici. »
David Lací dit avoir beaucoup appris au Canada. Il a d’abord appris
l’anglais avec son frère. Et puis, en côtoyant des Pakistanais, des
Afghans et des Indiens, il s’est rendu compte que ce qui était dit sur
l’origine des Roms devait être vrai. Il parle le romani et arrive à les
comprendre quand ils parlent lentement. « Comme nous ils disent tous
‘bala’ pour cheveux », explique-t-il à son oncle qui ne veut toujours
pas croire que les Roms sont originaires d’Inde.
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